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Enseignants, masques, Italie... les faux pas à répétition de Sibeth Ndiaye

Pour justifier l'appel à aider les agriculteurs, la porte-parole du gouvernement a dit qu'il ne s'agissait pas de le «demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas», oubliant que ceux-ci sont sur le pont à distance ou pour les enfants des soignants. Une maladresse parmi d'autres.
Sibeth Ndiaye à l'Elysée en septembre. (Denis ALLARD/Photo Denis Allard pour Libération )
publié le 26 mars 2020 à 8h54
(mis à jour le 26 mars 2020 à 17h31)

Il lui a fallu trois tweets ensuite pour tenter d'effacer sa maladresse. Appelée à expliquer l'appel du ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, à venir «rejoindre la grande armée de l'agriculture française», la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a répété que «les gens qui pouvaient le faire avaient vocation à aller donner un coup de main rémunéré dans les régions où il y a des récoltes». Et d'ajouter cette précision inopportune : «Il va sans dire que nous n'entendons pas demander à un enseignant, qui aujourd'hui ne travaille pas compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser toute la France pour aller récolter des fraises gariguettes.» Les profs et instituteurs, qui assurent la continuité pédagogique à distance ou font classe aux enfants des soignants, apprécieront.

Les responsables de l'opposition se sont relayés pour fustiger la bourde, d'Olivier Faure (PS), qui considère que «dire que nos enseignants ne travaillent pas parce que les écoles sont fermées, c'est pour le coup vraiment "être aux fraises"», à l'EE-LV David Cormand, pour qui le «gouvernement a un problème avec les services publics». «Je connais pas mal de profs qui travaillent encore plus que d'habitude», relève le communiste Ian Brossat.

Quelques heures après son compte rendu de sortie de Conseil des ministres, Sibeth Ndiaye a dû faire son «mea culpa», reconnaissant que son «exemple n'était vraiment pas le bon. Je suis la première à mesurer combien l'engagement quotidien des professeurs est exceptionnel. Nous savons tous l'engagement des professeurs pour assurer la continuité pédagogique, donc pas de polémiques inutiles !» tente-t-elle. Son collègue, ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer s'est, lui aussi, fendu d'un tweet pour rendre hommage au «travail extraordinaire des professeurs de France» pour «pour suivre tous nos élèves en ces circonstances exceptionnelles».

Approximations embarrassantes

Ce n'est pas la première fois que la porte-parole se prend les pieds dans le tapis. Des approximations embarrassantes dans cette période de crise sanitaire qui exige une communication publique d'autant plus rigoureuse et précise. Lors du même point presse, Sibeth Ndiaye, interrogée sur des images d'Emmanuel Macron ne portant pas de masque en déplacement, a assuré mercredi qu'il n'était «pas muni d'un masque, tout simplement parce qu'il n'y en a pas besoin dès lors qu'on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres». «Lorsque nous ne sommes pas malades ou pas soignants, ce n'est pas utile : il n'y a pas de raison que le président de la République déroge aux prescriptions qui sont celles pour l'ensemble de la population», a-t-elle insisté. Quelques heures plus tard, le chef de l'Etat se rendait à l'hôpital de campagne monté à Mulhouse… masque sur le visage.

Le cabinet de Sibeth Ndiaye, qui nous a contacté jeudi soir, fait remarquer que le Président portait alors un masque car «l'hôpital militaire de Mulhouse venait juste d'être désinfecté et qu'il était au contact des soignants». Certes mais le Président avait précédemment rendu visite – sans porter de masque, donc – au personnel de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, le 27 février, s'était déplacé, le 10 mars, au centre d'appel du Samu de l'hôpital Necker, et avait rencontré, le 3 mars, le personnel et les résidents d'un Ehpad parisien: «le 3 mars, c'était au début de la crise et il respecte toujours les mesures de distanciation», précise le cabinet de la porte-parole. Un déplacement au cours duquel Macron avait toutefois déjà appelé à «limiter au maximum les visites» aux aînés.

Toujours sur la question des masques, l'ancienne conseillère presse de l'Elysée, voulant démontrer qu'ils n'étaient «pas nécessaires pour tout le monde», a fini par lâcher, vendredi sur BFM TV: «Vous savez quoi, moi je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire : je suis ministre, je mets un masque. Mais en fait, je ne sais pas l'utiliser. Ce sont des gestes techniques, précis sinon on se gratte le nez sous le masque et on a du virus sur les mains». Si la pédagogie sur la manière de le positionner est sans doute nécessaire – comme les responsables publics l'ont fait, d'ailleurs, sur le lavage des mains –, l'explication est peu convaincante alors que c'est la pénurie qui semble commander la doctrine et que l'on a vu un port généralisé du masque en Corée, en Chine ou à Taiwan.

Mais Sibeth Ndiaye assume, elle, des décisions différentes des autres pays. Ainsi, le 11 mars, la secrétaire d'Etat développait les mesures initialement prises par l'Italie, comme le contrôle des températures des voyageurs «à l'arrivée des vols en provenance de zones à risques» ou la «fermeture de ses frontières pour des vols en provenance de Chine». «Manifestement ce n'est pas ce qui a freiné la propagation de l'épidémie», concluait-elle. Assez peu diplomate.

(Actualisé jeudi soir avec la réponse du cabinet de Sibeth Ndiaye)