Menu
Libération

La molécule a-t-elle été utilisée en Chine pour soigner les malades du Covid-19 ?

publié le 27 mars 2020 à 20h41

La molécule a-t-elle été utilisée en Chine pour soigner les malades du Covid-19 ?

La chloroquine et l’hydroxychloroquine sont deux molécules notamment utilisées dans le traitement de plusieurs pathologies (paludisme, polyarthrite rhumatoïde, lupus…). Sous leur action, certains virus pénètrent plus difficilement dans les cellules humaines. Pour cette raison, ces molécules ont déjà été testées par le passé dans la lutte contre de nombreux virus, sans succès.

Le 21 février, Xu Nanping, vice-ministre des Sciences, a déclaré que la chloroquine avait été utilisée sur 135 cas à Pékin et dans la province du Guangdong. Selon ses propos rapportés par les agences de presse chinoises, 130 de ces personnes «présentaient des symptômes légers, les cinq autres étant des cas sévères». D'après Xu Nanping, durant le traitement, «aucun des patients présentant des symptômes légers et communs n'a développé de symptômes sévères. Quatre patients dans un état critique sont sortis de l'hôpital et un a vu des symptômes graves atténués».

A noter que, contrairement à ce qui se fait dans un essai clinique, l’évolution de ces cas n’a pas été mise en perspective avec des patients qui auraient bénéficié d’un autre traitement, ou qui n’auraient pas été traités. Toutefois, mi-mars, les médecins de la province du Guangdong impliqués dans cette campagne ont préconisé l’usage de la molécule.

La Commission nationale de la santé a également ajouté le phosphate de chloroquine à la liste des traitements qui peuvent être mobilisés pour la prise en charge du Covid-19, aux côtés de l’interféron alpha, de l’umifenovir ou de la combinaison lopinavir-ritonavir. Sans garantie d’efficacité réelle, comme l’ont montré des essais très décevants sur le lopinavir-ritonavir.

Début mars, le gouvernement chinois a fait état de 14 essais cliniques entrepris sur des patients infectés par le Sars-CoV-2 (virus à l’origine du Covid-19), impliquant le recours au phosphate de chloroquine. Toutefois, cinq n’ont pas été menés à bien, faute d’un nombre suffisant de patients infectés sur les sites de tests. Plus d’une vingtaine d’essais cliniques destinés à évaluer la sécurité d’usage et l’efficacité de la chloroquine sont désormais programmés ou en cours sur le territoire chinois.

Les études chinoises déjà publiées sont loin d’être unanimes sur l’intérêt de la chloroquine. Les premiers essais achevés, de petite envergure, échouent à identifier le moindre effet bénéfique pour les malades. Dès lors, les médecins qui décident d’en faire usage le font sur la base d’une présomption d’efficacité. Certains jugent en effet, au titre de leur expérience clinique, ou en se référant à des données encore très préliminaires, que le traitement pourrait contribuer à la guérison.

C’est aussi à ce titre que la chloroquine est mentionnée comme un traitement envisageable - parmi d’autres - dans des avis émis par les institutions de divers pays, dont la France. Ces recommandations n’évoquent pas les molécules antipaludiques comme des traitements à l’effet prouvé dans le contexte du Covid-19, mais comme une stratégie thérapeutique plausible, qu’il ne faut pas nécessairement écarter.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) estime actuellement que l'hydroxychloroquine peut être envisagée «en présence de signes de gravité», «à défaut de pouvoir recourir à [une] molécule à effet antiviral attendu (association fixe lopinavir-ritonavir, voire le remdésivir dans les cas les plus sévères)». Il recommande que les prescripteurs prennent en compte «l'état très limité des connaissances actuelles et soient conscients de l'engagement de sa responsabilité lors de la prescription de médicaments dans des indications hors AMM».

La très grande latitude d'appréciation laissée aux soignants ne fait pas l'unanimité. «Administrer des médicaments non testés, sans preuves suffisantes [d'efficacité], pourrait susciter de faux espoirs, et même faire plus de mal que de bien en entraînant des pénuries de médicaments essentiels pour traiter d'autres maladies», a déclaré, le 23 mars, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Et de rappeler que «les réponses dont nous avons besoin» en ces temps de crise ne pourraient être apportées par «des études réduites et non randomisées, réalisées à partir d'observations». L'essentiel des travaux publiés sur la chloroquine ou l'hydroxychloroquine pour la prise en charge du Covid-19 relève malheureusement, pour l'heure, de ces catégories. Un essai clinique européen de grande envergure, lancé le 22 mars, devrait rapidement dissiper les doutes.