Du jour au lendemain, l'annonce du confinement de la totalité de la France par Emmanuel Macron a paralysé l'économie. Beaucoup d'entreprises non-essentielles à la vie du pays ont cessé leur activité. Dans le meilleur des cas, elles ont mis pour partie leurs salariés en chômage partiel. Jeudi, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, annonçait que 150 000 entreprises et 1,6 million de salariés en bénéficiraient. «Nous protégeons l'emploi, les salariés et les compétences», a-t-elle tweeté. Dans d'autre cas, pourtant, les entreprises ne se sont pas embarrassées de ces procédures, et ont simplement préféré licencier leurs salariés. Libération a recueilli des témoignages.
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Thomas Clouaire, 23 ans: «Ils m’avaient dit avant ça que tout se passait bien»
Le 9 mars, à peine le discours solennel d'Emmanuel Macron terminé, le téléphone de Thomas Clouaire, 23 ans, sonne. Sur l'écran, il vient de recevoir un message texte de son employeur qui lui annonce : «On va s'arrêter là, ça ne me convient pas avec tout ce qu'il se passe.» Le président de la République vient d'annoncer qu'il serait possible pour les entreprises de mettre au chômage partiel rémunéré les salariés, en cas de besoin. Thomas Clouaire, technicien électro technique, penche pour cette option. Il contacte son employeur pour en connaître les modalités. «Et là, il m'a tout simplement fait comprendre que j'étais viré», regrette-t-il. Depuis un mois, le salarié était en période d'essai, «ils étaient venus me proposer ce poste mieux rémunéré, ils m'avaient dit avant ça que tout se passait bien», regrette Thomas. Mais compte tenu des circonstances, son employeur a préféré mettre fin à la période d'essai. «Je me retrouve sans rémunération, sans rien à cause de lui et sans garantie de retrouver un boulot après le confinement ! J'aurais dû recevoir mon attestation pour pouvoir déclarer mon chômage, mais je n'ai rien reçu. Donc je n'ai aucun revenu et pas de nouvelles de mon ancien patron», s'inquiète-t-il.
Martin, 23 ans: «On m’a assuré qu’on me réembaucherait une fois que l’activité reprendrait»
Martin, salarié dans l'hôtellerie en Lorraine, a vécu la même expérience. Un CDI signé début mars, avec une période d'essai d'un mois. A l'annonce du confinement, on lui fait comprendre en urgence qu'on met un terme à son contrat. «Mais on m'a assuré qu'on me réembaucherait une fois que l'activité reprendrait…» espère-t-il. Pour lui aussi, les conséquences sont difficiles à admettre : «Je me retrouve sans rémunération, et j'imagine qu'après tout ça, il va falloir attendre que les affaires reprennent pour pouvoir trouver mon poste», regrette le jeune homme. Pour vivre, Martin a dû reprendre des remplacements en tant qu'aide-soignant, son ancien métier, très sollicité dans la période. Un risque, mais avec ses économies, il envisage de tenir «deux mois maximum».
Etienne Athea, 38 ans: «On est dans une crise sanitaire importante, on est censés être soudés, et ne pas licencier»
Pour justifier le licenciement, certaines entreprises ont fait valoir différents motifs. Le 19 mars, Etienne Athea, manager régional en CDD au sein de la société DMF, apprend que l'entreprise met fin à son contrat pour «cas de force majeur». Avec lui, toute son équipe (une trentaine de personnes) est licenciée. «Je l'ai pris comme un coup de couteau dans le dos. On est dans une crise sanitaire importante, on est censés être soudés, et ne pas licencier. Est-ce que c'est vraiment un cas de force majeure ? Ils auraient pu simplement nous mettre au chômage partiel», s'indigne-t-il. Lorsqu'il mène son enquête auprès de l'inspection du travail, on lui explique que «seul un juge peut déterminer si ça l'est ou non». Avec ses collègues, il réfléchit désormais à poursuivre son ancienne entreprise, une fois le confinement passé. En attendant, faute de rémunération, il vit sur ses économies. Etienne Athea ne sait pas à ce stade s'il peut «toucher le chômage ou non». «Et de toute façon, il me faut l'attestation et plus personne ne me répond au sein de l'entreprise», regrette-t-il.
...et pas d’interdiction des licenciements pendant la crise
Lors d'une réunion de crise avec les partenaires sociaux en milieu de semaine dernière, Muriel Pénicaud s'est exprimée à ce sujet. «Pendant la crise, c'est zéro licenciement», a-t-elle assuré selon les Echos. Un temps, ces propos ont laissé planer le doute sur une possible interdiction des licenciements, le temps du confinement. Finalement, un tel dispositif n'est pas prévu par le gouvernement qui entend tout de même «tout mettre en œuvre pour favoriser et renforcer l'accompagnement des salariés avec le chômage partiel». Les salariés licenciés, eux, se disent pour le moment «abandonnés».