Dans la famille d'Antoine Le Corre, 31 ans, on est mareyeur depuis trois générations. Le trentenaire travaille chez Laurent Daniel au Guilvinec (Finistère) depuis quatre ans. «Il reste quelques bateaux en mer, peut-être 5 ou 6 sur 37 en temps normal, rapporte-t-il, joint par téléphone. Ça alimente juste les poissonneries du coin. Comme tout ce qui est restaurants, poissonneries sur les marchés, cantines, a fermé, il ne reste plus beaucoup de clients. La semaine dernière, il y a eu beaucoup d'invendus, plus de 100 tonnes rien qu'au Guilvinec.»
Prix barrage
La plupart des bateaux, selon lui, craignent de naviguer : «Si un mec tombe malade, il peut se retourner contre son patron. [Sur le Covid-19], les médias font peur…» Outre l'inquiétude sanitaire, le risque économique d'une sortie en mer est important. Habituellement, explique Antoine Le Corre, les pêcheurs sont assurés, via l'organisation les Pêcheurs de Bretagne (LPDB), d'écouler leur pêche à un prix minimum - qu'on appelle prix retrait ou prix barrage. «Mais LPDB a fermé, ils ne peuvent pas dépenser à l'infini. Donc si les bateaux sortent en n'ayant plus cette garantie du prix minimum, ça ne vaut pas le coup.»
Lotte
La semaine dernière, illustre le mareyeur, «tout est parti au prix barrage. La semaine précédente, le turbot par exemple était à 30-35 euros le kilo, c'est tombé à 12 la semaine dernière et cette semaine, s'ils sortent en mer, c'est plus 12 c'est 0, parce qu'aucun mareyeur ne va leur acheter». Même cas de figure pour la lotte : «A cette période, elle est à 6 euros le kilo, là elle est à 4 euros, son prix minimum. Or, vu les volumes de lotte qu'on fait ici, 2 euros d'écart c'est beaucoup. Sur 10 tonnes de poisson, ça paie le gasoil.»
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Dans son entreprise, qui a à la fois une activité de poissonnerie et une activité de mareyage, seul le poissonnier travaille encore : il faut bien que les gens du coin mangent. Les autres salariés, une douzaine environ, ont été renvoyés chez eux : «Beaucoup ont plus de 55 ans, on ne veut pas les exposer [au virus], explique Antoine Le Corre. Si on était restés à tourner au ralenti, on aurait aussi perdu trop d'argent. On espère qu'il y aura une aide. Déjà que le secteur ne va pas très bien… On a demandé un chômage partiel : de toute façon, on n'a pas de matière pour approvisionner nos clients.»