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Libération
Éditorial

Dette morale

publié le 2 avril 2020 à 20h16

Dira-t-on jamais assez le courage et l’abnégation dont font preuve les soignants des hôpitaux, des cliniques et des cabinets de ville dans l’épreuve ? Après le Grand-Est, c’est l’Ile-de-France qui est frappée au cœur. Le nombre de malades est en passe de dépasser le nombre de lits disponibles, l’afflux en réanimation porte la tension à son comble parmi les équipes médicales, il faut déployer des trésors insoupçonnés d’énergie et d’astuce du désespoir pour dégager des places, des centaines de volontaires qui risquent leur santé et leur vie rejoignent le front au mépris du danger. Le système hospitalier survit au bord de la rupture, chaque jour gagné est un exploit. Et l’on annonce le «pic» pour lundi, ce qui veut dire qu’il n’est toujours pas atteint. La dette morale contractée par la nation envers son personnel médical est considérable. On ose espérer qu’elle ne sera pas oubliée une fois la crise surmontée. Personne ne doute que le gouvernement et son administration déploient les plus grands efforts pour faire face. Réquisition de la réserve médicale, transports en TGV ou en avion pour alléger le poids qui pèse sur la région parisienne, commandes massives de masques, de matériel spécialisé et de médicaments, appel à l’armée dont l’aide par nature limitée est néanmoins précieuse : tout semble mis en œuvre pour sortir de cette passe dramatique. Mais on peut se demander, dans ces circonstances, s’il était très heureux de disserter devant les députés réunis sur un écran des conditions dans lesquelles on allait mettre fin au confinement. Certes, c’était en réponse à une question d’un parlementaire. Mais tout de même : les médecins qui ont vu le débat ont failli s’étrangler, tant ils redoutent un relâchement des disciplines si difficilement imposées à la population, qui conduirait immanquablement à un rebond de l’épidémie. Encore une bizarrerie de communication, dont les soignants se seraient passés.