Depuis une dizaine de jours, les hôpitaux de Bretagne prennent en charge des dizaines de malades souffrant du coronavirus en provenance d’Ile-de-France et du Grand-Est. Et cela pourrait durer un moment, dans la mesure où le pic de contamination, repoussé de semaine en semaine, n’a pas encore mobilisé toutes les capacités médicales locales, aujourd’hui bien en deçà de la saturation. Au risque de se retrouver en difficulté si une vague de nouveaux cas survenait dans la région ?
«Techniquement, tant que nous sommes en mesure de répondre à la demande, nous le faisons, relève Stéphane Mulliez, directeur de l'Agence régionale de la santé (ARS) en Bretagne. Dans un esprit de solidarité avec les autres établissements qui, dans l'hypothèse où la Bretagne se retrouverait dans une situation difficile, pourraient faire la même chose. Nous n'en regardons pas moins au jour le jour combien de malades sont en réanimation, combien sont hospitalisés et combien ont regagné leur domicile.»
«Un enjeu éthique»
Mercredi, ce bilan quotidien s'élevait à 79 patients dans les services de réanimation des principaux centres hospitaliers bretons, auxquels se sont ajoutés 36 malades venus par TGV sanitaires d'Ile-de-France et pris en charge dans les hôpitaux de Rennes, Brest et Saint-Brieuc. Des chiffres encore relativement faibles au regard des 364 lits en réanimation qui sont aujourd'hui potentiellement mobilisables (contre 164 hors pandémie), dont la moitié environ – si on ajoute aux victimes du Covid-19 d'autres pathologies pour lesquels ces services sont indispensables – sont occupés.
A Rennes, alors que 27 malades sont actuellement en réanimation (dont douze personnes transférées d’Ile-de-France), le plan de mobilisation lancé dans les différents services du CHU et les cliniques privées permettrait si nécessaire de passer de 48 lits à 100 lits susceptibles d’accueillir les malades les plus gravement atteints. Pour l’heure, on y constate en outre aucune pénurie de respirateurs et autres moyens matériels indispensable. Du personnel soignant a même été dépêché en région parisienne pour y soutenir les équipes médicales.
«Nous sommes toujours prêts à participer à la solidarité nationale si nous sommes sollicités, souligne Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du CHU de Rennes. C'est aussi un enjeu éthique, il serait tout à fait anormal qu'on n'accueille pas des malades d'établissements pour qui cela peut être un enjeu vital.»
Apparition d’un cluster
«On compte énormément sur le confinement pour éviter une progression brutale du nombre de cas en Bretagne, où la courbe de progression de l'épidémie est restée plus basse que dans d'autres régions, ce qui nous permet d'être sous la barre des capacités limites du système, complète le professeur Yves Le Tulzo, chef du service de réanimation en médecine intensive au CHU. Mais il y a une part de pari. Ce n'est pas une science exacte.»
A Brest où, dès le 23 mars, six malades ont été transférés par avion militaire de l’hôpital de Mulhouse, deux d’entre eux étant admis à Quimper, les capacités globales, CHU et autres établissements de la métropole, s’élèvent également à plusieurs dizaines de lits de réanimation. A Vannes, où on a dû faire face dès les premiers jours de mars à un fort afflux de patients à la suite de l’apparition d’un cluster entre Auray et Carnac, le centre hospitalier Bretagne-Atlantique (CHBA) reste l’établissement breton qui aura été le plus affecté par la pandémie. Il n’en a pas moins réussi à augmenter ses capacités d’accueil et a retrouvé un fonctionnement fluide.
Quoi qu’il en soit, selon l’ARS, de nouveaux transferts seraient prévus prochainement, cette fois vers la Normandie, les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire.