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Libération

Pour les start-up, c’est pile ou face

Si le secteur se porte bien, la situation reste variable selon les entreprises. Les plus petites, qui n’ont pas encore fait leurs preuves, risquent d’être fragilisées.
publié le 2 avril 2020 à 19h06

A la fin mars, en plein confinement, trois start-up tricolores (Boks dans les colis, ekWateur dans les énergies vertes et Qarnot dans le stockage de données) ont annoncé des levées de fonds allant de 1,2 à 6 millions d'euros. Bien qu'initiés avant la panique économique provoquée par le Covid-19, ces apports sont-ils le signe de la robustesse de la «start-up nation» française ? «Il est très difficile de prédire comment les choses vont tourner, confie un gérant de Partech, fonds de capital-risque qui compte 165 start-up à son portefeuille. Ce que l'on peut dire pour le moment, c'est qu'il y a pas mal de résilience dans un secteur infiniment plus mature qu'en 2001 ou 2008. Mais tout dépend évidemment du stade de développement auquel sont parvenus les start-up et leur secteur d'activité. Il y a énormément de paramètres qui jouent, à commencer par celui de la trésorerie.»

Fragile

L'année 2019 a marqué un nouveau record en France : selon le baromètre EY, les levées de fonds ont atteint plus de 5 milliards d'euros. On en a dénombré 736, soit +14 % par rapport à 2018. «Les bons capitaux-risqueurs avaient perçu qu'on était en fin de cycle et un certain nombre de start-up entrent dans la crise avec du cash et de quoi tenir au moins quelques mois», observe-t-on chez Partech. En revanche, les entreprises plus récentes et moins bien financées seront les premières touchées, tout comme celles dont le modèle économique est le plus fragile. Celles qui misent sur l'abonnement payant sont plus à l'abri que celles qui ont parié sur une stratégie de conquête d'audience et de parts de marché. Créée en 2013 et employant 22 personnes, le fabricant d'ethylotests connectés Olythe illustre la nasse dans laquelle se retrouvent piégées les start-up qui n'ont pas encore démontré leur viabilité. «On préparait notre première levée de fonds de trois millions d'euros mais notre activité n'étant pas ultra-prioritaire dans le contexte actuel, tout s'est bloqué et maintenant c'est mort au moins pour les six prochains mois, témoigne Guillaume Nesa, le fondateur. Nous essayons de voir comment on peut faire avec les banques pour trouver de quoi tenir mais c'est difficile.»

Pour les start-up plus matures, la situation est très contrastée. Les activités basées sur les services immatériels et la vente en ligne résistent mieux et pour certaines sont même en forte progression. C'est le cas du site de matériel de bricolage ManoMano qui voit ses ventes fortement progresser, ou de la plateforme d'enseignement à distance OpenClassrooms qui a reçu 1 000 demandes d'écoles pour 100 000 étudiants en deux semaines. Et si les activités hardware nécessitant la fourniture de composants souffrent en raison de la rupture des chaînes d'approvisionnements asiatiques, ce n'est rien en comparaison des secteurs comme le tourisme, totalement à l'arrêt.

Transformation

«S'il y a un seul point positif, conclut-on chez Partech, c'est que cette crise va fortement accélérer la transformation numérique de l'économie et in fine profiter à tous ceux qui proposent des solutions innovantes et à moindre coût. Plutôt que de prendre l'avion pour un conseil d'administration, on peut très bien imaginer qu'à l'avenir un "board" sur deux se tiendra en visioconférence, il n'y a qu'à voir l'adoption massive d'une plateforme comme Zoom.» Si «l'hiver nucléaire» prédit par un investisseur sur Twitter n'est pas encore avéré, le virus risque bien d'être fatal à ces nombreuses start-up dont l'activité est très dépendante de pans entiers de l'économie peu ou pas facilement «numérisables».