Ils évoquent un «ennemi». Se voient parfois comme des «fantassins». Ils ont bien plus «peur pour les autres» qu'ils ne redoutent de tomber malades, sans pour autant jouer les héros : «C'est notre métier», disent-ils. Infirmiers ou infirmières, internes, urgentistes, médecins réanimateurs, hématologues, psychiatres… Leur vie est désormais entièrement dédiée à sauver des patients du coronavirus. Quel est leur quotidien ? Comment tiennent-ils ? Comment s'organisent-ils ? Que redoutent-ils ? Une dizaine de ces soignants applaudis tous les soirs par des Français reconnaissants à Mulhouse, Bordeaux, Paris, Bobigny, Poitiers, Rouen ou Marseille ont accepté de tenir un journal de bord pour Libération.
Vendredi 27 mars
«Dernière fois»
19 heures,
Mélanie Roussel, médecin urgentiste au CHU Charles-Nicolle, Rouen
«Fin d’une journée en tant que médecin d’accueil et de tri des urgences. Depuis quelques jours, les patients arrivent et se ressemblent. Mêmes symptômes, même essoufflement, mêmes inquiétudes. Au CHU de Rouen, pas de vague submersive. Le flux quotidien de malades ne dépasse pas nos moyens. Mais l’anxiété est palpable dans les équipes. Ce matin, un patient d’une soixantaine d’années est arrivé avec un besoin croissant d’oxygène. Une heure plus tard, il était admis en réanimation. Intubé. Puis un deuxième patient est arrivé avec une nécessité d’assistance respiratoire immédiate. Intubé, il mourra aux urgences dans l