«Je ne peux imaginer que cette pratique existe.» C'est en ces termes qu'Olivier Véran, ministre de la Santé, a pris la parole samedi lors d'une visioconférence au côté de Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées. Le gouvernement réagissait à un communiqué d'un collectif de 48 associations qui alertait, en début de semaine dernière, sur le cas de plusieurs personnes qui se seraient vu refuser l'accès aux hôpitaux et en réanimation au seul motif de leur handicap.
Publié dimanche dans le JDD, le texte dénonce une situation «scandaleusement indigne». «Les alertes que nous recevons laissent craindre que l'admission en soins intensifs, voire en réanimation, ne soit déjà plus assurée [pour les personnes en situation de handicap, ndlr], en particulier dans les zones dites "clusters" dans le Grand-Est ou le nord de la France, alertent les membres de Collectif handicaps. Au lieu de déboucher sur une attention et des soins renforcés, les critères médicaux de vulnérabilité au Covid-19 risquent de devenir à l'inverse des critères d'exclusion des soins.» Un «tri» rapporté par plusieurs associations à travers la France, confirme le président du collectif, Arnaud de Broca, interrogé par Libération : «Notre alerte vient à la fois de documents de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, de plusieurs autres régions, mais aussi de contacts directs que des personnes ont pu avoir avec des médecins ou des hôpitaux. Et dans ce genre de sujet, tout ne s'écrit pas.»
Mise au point nécessaire
Lors de la visioconférence de samedi, le ministre de la Santé a fermement souligné que les «personnes atteintes de handicaps doivent bénéficier des mêmes soins que le reste de la population. Le handicap [ne devant] pas être un critère de refus de soin que l'on parle d'hospitalisation simple ou d'une réanimation», et qu'il était «hors de question d'y faire obstacle». Une mise au point nécessaire selon Arnaud de Broca, qui salue aussi la présence du ministre de la Santé au côté de Sophie Cluzel : «Nous avons là l'affirmation claire d'un certain nombre de principes. Principes qui sont pour nous évidents, mais ça va mieux en le disant.»
«Vous n'êtes pas seuls», a de son côté martelé la secrétaire d'Etat, malgré la pénurie de moyens de protection et de masques dans les établissements d'accueil, les foyers, ou au domicile des personnes handicapées, avant d'évoquer plusieurs mesures, comme la présence de médecin régulateur spécialisé dans le handicap dans les centres du Samu, l'assouplissement des conditions de sortie pendant le confinement pour les personnes en situation de handicap, le déploiement d'équipes mobiles dans les structures d'accueil pour prendre en charge les malades de type Covid-19 et la possibilité, pour les personnes handicapées, de se faire accompagner par un aidant professionnel ou familial en cas d'hospitalisation.
Sentiment d’abandon
Des annonces bienvenues, même si les moyens qui leur seront alloués n'ont pas été détaillés : «Les associations nous feront remonter tous les écarts, réagit Arnaud de Broca. Comme toujours, il y a le discours et la réalité.» Longtemps attendu par les associations, l'exécutif était jusque-là absent sur cette problématique, renforçant le sentiment d'abandon ressenti par l'immense majorité des personnes handicapées depuis le début de la crise du coronavirus : «C'est une parole qui manquait, explique De Broca. Ce n'est pas que tout va changer, nous en sommes conscients et nous resterons vigilants, mais il était important que le gouvernement montre son soutien aux personnes handicapées et une reconnaissance du travail fourni par les professionnels du secteur. Même si l'on peut craindre que, malgré tout, beaucoup de personnes en situation de handicap demeurent isolées chez elle ou dans leur établissement.»