Menu
Libération
Ma vie de confiné

«Des images remontent, je me revois à l’hôpital en train de regarder le plafond»

Chronique «Ma vie de confiné»dossier
Chaque jour, «Libé» donne la parole à des confinés de tout poil pour raconter leur vie à l’intérieur. Chacun envoie une photo «de dedans». Aujourd'hui, Lola, pour qui ce confinement fait ressurgir des souvenirs d'hospitalisation.
(DR)
publié le 7 avril 2020 à 10h58

Lola, 25 ans dans quatre jours, vit seule dans un studio à Paris. Avec ce confinement, elle repense beaucoup à ses deux longues hospitalisations il y a quelques années.

«Ce n’est pas arrivé tout de suite. Les premiers temps, je n’y pensais pas. Les angoisses sont apparues à la troisième semaine. Ce sentiment d’être enfermée, toute seule dans mon studio, me replonge dans cette solitude que j’ai connue, cette bulle dans laquelle j’étais coupée du monde.

«J’avais 18 ans la première fois que j’ai été hospitalisée pour anorexie, j’y suis restée quatre mois. Le coup d’après, six mois. En arrivant à l’hôpital, je ne savais pas combien de temps ça allait durer. Comme ce confinement dont on ne connaît pas la date de fin. Aujourd’hui, ça va, la maladie est derrière moi. Mais disons qu’en ce moment, je repense plus souvent que d’habitude à ce que j’ai vécu.

«J’ai des images qui me remontent. Je me revois à l’hôpital en train de regarder le plafond. Je repense à ces permissions de sortie abrégées parce qu’il fallait rentrer tôt pour le repas, fixé à 18h30. Puis ces soirées interminables, à ne savoir que faire. La façon dont mes émotions sont décuplées en ce moment, aussi, m’y fait penser. Je suis hypersensible de nature, mais avec le confinement, j’ai les larmes aux yeux pour presque rien. Et puis, le fait de ne plus voir personne, surtout. Bien sûr, il y a les apéros-Skype, mais en raccrochant, on est tout seul. Heureusement, mes parents habitent à moins d’un kilomètre.

«Quand le confinement a été annoncé, je me disais : "J'ai les clés, être seule toute la journée, je connais. Je vais y arriver plus facilement que d'autres, je suis bien mieux chez moi qu'à la clinique…" C'est vrai. Mais en même temps, je suis très flippée de retrouver le mal-être que j'ai vécu. Et puis, ça peut paraître étrange, mais je sais que le retour à la vraie vie, que j'attends comme tout le monde, ne sera pas si facile. Ça aussi, je l'ai vécu. Quand on sort d'un cocon, d'une bulle, je sais combien replonger dans les bruits de la ville, l'activité – et je ne parle même pas du métro bondé le matin ! – peut être difficile, fatiguant. Et même violent.»