Menu
Libération
Covid-19

Immigration : l’autre rive sans voyage

Article réservé aux abonnés
Pour les familles des victimes du Covid-19 issues de l’immigration, la douleur du deuil se double de l’impossibilité de rapatrier les dépouilles dans les pays d’origine. Les frontières sont fermées pour les vivants comme pour les morts.
Le carré musulman du cimetière de Thiais, dans le Val-de-Marne. (Photo Julien Magre)
publié le 9 avril 2020 à 20h41

Ali (1) a espéré jusqu'au bout rapatrier la dépouille de son grand-père en Algérie, mort du Covid-19 en Seine-Saint-Denis. Il y a eu tous ces jours à écumer les administrations, passer des coups de fil et tout miser sur un avion-cargo qui embarquerait encore des corps d'une rive à l'autre. Et puis, le verdict est tombé : le coronavirus ferme toutes les frontières. La pandémie pose ses conditions, partout et tout le temps. Elle modèle la souffrance à sa guise, écartant de son chemin dernières volontés, traditions et communions. Ali : «Le lavage du corps, comme le veut l'islam, est interdit. Une liste resserrée est nécessaire pour l'enterrement… Nous sommes une famille soudée et nombreuse. Comme pour d'autres, il ne nous reste plus grand-chose, si ce n'est le téléphone pour combler des moments où les proches devraient être ensemble. Mon grand-père était aimé d'un nombre incalculable de gens. On n'imaginait pas tant de solitude et se retrouver à le pleurer avec un masque sur le visage.»

Le vieil homme, 80 ans passés, souhaitait être inhumé en Afrique du Nord, près de sa femme. «Avant tout ça, il envisageait même de retourner là-bas. D'une certaine façon, il anticipait. On l'a su après sa mort, mais il avait même laissé une enveloppe à mon oncle pour couvrir les frais. On ne se rend pas compte mais ce deuil, qui éloigne tous les proches, ici comme là-bas, pourrait avoir beaucoup de répercussions psychologiques.» Le retraité sera mis en terre dans la commune de S