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Rituels

Une Pâques 3.0 pour les catholiques

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
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Les croyants confinés peuvent se rabattre sur de très nombreuses célébrations numériques.
La messe des rameaux, vendredi au Vatican, retransmise en streaming, comme ici au Chili. (Photo Rodrigo Garrido. Reuters )
publié le 9 avril 2020 à 12h51

Du haut de la butte Montmartre, l’archevêque de Paris, Michel Aupetit, a béni ce jeudi 9 avril à midi la ville et la France. En ces temps d’épidémie, il s’agit de «demander sa protection au Seigneur», a-t-il expliqué, confinement oblige, lors d’une visioconférence de presse qu’il a tenue, mardi, depuis sa résidence parisienne du VIIe arrondissement. Très spectaculaire, la cérémonie n’en fait pas moins figure d’exception. Depuis le 17 mars, aucune messe catholique, ni aucun office de quelque confession religieuse que ce soit, n’a pu avoir lieu en public en raison des strictes recommandations des autorités.

Du coup, c’est une incroyable avalanche de célébrations, sur YouTube, les pages Facebook ou les sites internet des diocèses, des paroisses, des mosquées… Et, pour cette semaine dite «sainte», elles se multiplient comme des petits pains dans le christianisme. Précédant la fête de Pâques qui a lieu ce week-end, c’est de fait le temps liturgique le plus important pour les chrétiens.

Le chemin de Croix annulé

Dans une basilique Saint-Pierre quasiment déserte, le pape François a donné coup d’envoi dimanche dernier, à la célébration des Rameaux, retransmise mondialement à tire-larigot. Moment fort chaque année dans le catholicisme, le chemin de Croix qui a traditionnellement lieu le Vendredi saint au Colisée a été annulé. Avec une assistance réduite au strict minimum dont notamment deux détenus de la prison de Padoue et du personnel soignant, il aura lieu cette année sur la place Saint-Pierre.

Depuis le début de la pandémie, le Vatican a toutefois autorisé la diffusion très largement de la messe privée du chef de l'Eglise catholique qui a lieu, à 7 heures chaque matin, à sa résidence privée de Sainte-Marthe. «Nous ne l'avions jamais fait auparavant, confirme Bruno Courtois, le directeur de Radio Notre Dame. Cela correspond à une demande forte aussi parmi nos auditeurs.»

La station catholique a d'ailleurs adapté ses programmes. «La singularité de la période que nous vivons nous oblige à sortir de notre routine», poursuit Bruno Courtois. Pour les croyants, cela conduit, en positif, à s'interroger sur le sens des rites. «Confrontés à ce manque, nous devons repenser la signification liturgique des fêtes de Pâques», commente le journaliste Louis Daufresne, rédacteur en chef de Radio Notre-Dame.

Les audiences, semble-t-il, explosent. C'est le cas a de la messe diffusée le dimanche matin sur France 2 par le Jour du Seigneur qui atteint des records avec plus de deux millions de téléspectateurs. A Lourdes, les sanctuaires diffusent, eux, chaque jour la récitation du chapelet en différentes langues. Retransmis en Italie par la chaîne TV2000, il est suivi par plus d'un million de personnes de l'autre côté des Alpes.

Inflation de retransmissions

«Les Italiens sont très liés à Lourdes», explique le recteur des sanctuaires, Olivier Ribadeau Dumas. La saison des pèlerinages devait d'ailleurs y commencer cette semaine. «Tout est l'arrêt», souligne le recteur. Pour marquer le coup, chaque jour, un cierge est allumé pour chaque groupe de pèlerins qui devaient présents à Lourdes.

L'activisme religieux numérique cache mal un désarroi devant une situation absolument inédite. «Cela ne s'est pas produit depuis deux mille ans qu'il n'y ait pas de célébration des fêtes de Pâques», souligne Pierre Vignon, le prêtre lanceur d'alerte sur les abus sexuels et spirituels dans le catholicisme. En ces temps d'isolement, ce contestataire plaide, lui, pour un retour à l'intériorité.

D'autres s'agacent d'une inflation de retransmissions. «Il y a même une emphase sacramentelle», regrette un ancien responsable de l'épiscopat. Pour ces temps d'épidémie, quelques évêques ou prêtres ont même brandi le Saint-Sacrement (une hostie placée dans un ostensoir, objet liturgique en forme de soleil) pour implorer la protection divine.

Un début de polémique est par ailleurs né après l’annonce d’une cérémonie qui aura lieu ce vendredi 10 avril à l’intérieur de Notre-Dame de Paris – ne déroge-t-elle pas à l’impératif du confinement ? En tout cas, les cloches de la cathédrale ne sonneront pas pour les fêtes de Pâques. En revanche, Benoist de Sinéty, vicaire général du diocèse de Paris, a promis que ce sera le cas pour la fin du confinement.