J-18. Le patient de la chambre 172 lutte contre le Covid-19 depuis dix-huit interminables jours. Intubé et ventilé, l’homme est âgé de 52 ans. Plusieurs sondes gravitent autour de son corps nu. Ses joues sont blêmes, ses paupières baillent, ses mains gonflées sont immobiles. Tout paraît éteint en lui. Seule sa poitrine bouge, sous l’impulsion du respirateur artificiel. A J-15, les réanimateurs ont bien tenté de le libérer de la machine. Les dernières analyses indiquaient que le patient avait repris assez de force pour s’oxygéner par lui-même. La famille avait été avertie. Mais au moment de l’extuber, le malade a sifflé, incapable de respirer : un œdème s’était formé au niveau de sa trachée. On l’a rendormi et remis le tuyau. «Face à cette maladie, le combat pour la guérison n’est pas une affaire de sprint. C’est un marathon», rappelle Jérôme Fichet, médecin-réanimateur du Centre cardiologique du nord de Saint-Denis.
Dans cette clinique privée de Seine-Saint-Denis, 33 autres malades s'accrochent à la vie dans le service de réanimation. La course contre la mort s'est enclenchée le jeudi 19 mars, lorsque cet établissement a mué en «hôpital Covid lourd» et triplé son nombre initial de douze lits avec respirateurs. Les urgences hospitalières voisines étaient dépassées, il fallait les soulager. «Nos collègues appelaient pour nous dire que c'était un cataclysme, mais on avait du mal à bien saisir, c'était un peu l'Arlésienn