Christian (1), 29 ans, étudiant sans papier à Lille, confiné en chambre universitaire.
«Je vis dans une chambre où j’ai deux plaques de cuisson. Les sanitaires sont partagés. Pendant le confinement, les femmes de ménage ne travaillent pas tous les jours. Du coup, les sanitaires sont parfois dans un état déplorable donc on a la possibilité de choper le virus actuel mais aussi d’autres maladies. On a un autre souci : les cafards dans nos chambres. Ils désinfectent régulièrement mais les cafards reviennent toujours.
Rester enfermé dans 9 m², ce n’est pas évident mais ça permet de travailler sur soi. Le matin, je sors faire un peu de sport. Je fais attention à toujours avoir mon attestation de déplacement dérogatoire. Je fais quelques tours de terrain puis je rentre prendre mon petit-déjeuner et après je lis un peu sur ma spécialité : les réseaux informatiques.
Je suis un étudiant en exil, pas un étudiant international. Je ne suis pas venu par Campus France (un programme de mobilité étudiante), je suis demandeur d’asile. Souvent, quand on est contrôlé et quand on n’a pas de papiers, la police nous met au centre de rétention administrative, donc il y a aussi cette crainte de se faire choper… C’est un peu compliqué. Si on se fait contrôler, on ne sait pas ce qui peut nous arriver après.
Pendant cette période, beaucoup d’étudiants ont aussi perdu leur job ou leur stage gratifié. J’étais en stage et j’ai été obligé d’arrêter. Je gagnais environ 390 euros par mois. Ça me permettait de payer ma chambre et de faire d’autres choses. Là, avec le confinement, la crise sanitaire nous met dans une situation de dénuement. La précarité s’accentue. Le Secours populaire et les Restos du cœur nous livrent des aliments. Grâce à eux, on arrive à tenir le coup, sinon ce serait la cata. La fac vient aussi de nous donner un bon alimentaire de 50 euros et un virement de 200 euros pour nous aider.
La ministre, madame Vidal, a dit que les loyers seront annulés pour ceux qui ont quitté leur logement. En revanche, nous qui sommes restés, nous ne sommes pas restés de gaieté de cœur mais parce qu’on n’a pas d’autres choix. Si on avait nos familles, on serait content de rentrer chez nous. Si les uns ne payent pas et que les autres payent parce qu’ils sont restés, c’est discriminatoire. C’est absurde et ce n’est pas normal. Je pense qu’il faudrait qu’elle fasse le même geste pour tout le monde, ça nous ferait du bien. Là, on ne sait pas comment on va faire pour payer nos loyers et survivre après la crise.»
(1) Le prénom a été changé
A retrouver: chaque jour dans Libé, une histoire de confiné