Téléphone portable à la main, suivie d'un chaton gris qui croit à un jeu, une femme surgit pour chasser l'intrus. «Qu'est-ce que vous faites ici ? Vous n'avez pas le droit, partez !» me lance la Mafataise. Arrivé à l'îlet des Orangers, hameau de 38 familles accessible après 12 km de 4×4 et trois heures de marche, j'invoque mon statut de journaliste. «Et alors, vous pouvez être malade», rétorque-t-elle, à raison. Je brandis mon gel hydroalcoolique, décris les couches en tissu de mon masque «alternatif» et démontre que je respecte les règles de distance. La dame en short rose se calme, justifie son intervention. «Il ne faut pas que les gens de l'extérieur nous transmettent le virus ! La semaine dernière, j'ai appelé les gendarmes car des touristes voulaient camper ici», raconte-t-elle.
Alors que la Réunion compte un peu moins de 400 personnes contaminées par le Covid-19, les quelque 900 habitants du cirque de Mafate, un enchevêtrement montagneux au centre de l’île, sans aucune route d’accès, confinés de fait toute l’année, se pensent encore à l’abri de l’épidémie. Et veulent préserver leur santé, coûte que coûte.
En contrebas de la «place» herbeuse du hameau, d'où émerge la petite église, France-May est tout aussi véhémente. M'apercevant sur le sentier escarpé, la cantinière de l'école des Orangers s'arrête de ramasser épis de maïs et «lianes marronnes» destinées à ses quatre cochons noirs. «Le virus se cache dans vos vêtements et s'échappe sous le