Libération met à disposition de ses lecteurs un site, CheckNews, où les internautes sont invités à poser leurs questions à une équipe de journalistes. Notre promesse : «Vous demandez, nous vérifions.» A ce jour, notre équipe a déjà répondu à plus de 4 800 questions.
Les fonctionnaires peuvent-ils être forcés à prendre des RTT ou des congés payés ?
Une ordonnance, prise mercredi, permet d'imposer aux fonctionnaires (hors fonction publique hospitalière et enseignants) le recours aux congés payés et aux RTT. Ainsi, les agents de la fonction publique d'Etat qui ont bénéficié d'une autorisation spéciale d'absence (ASA) se verront décompter, de façon rétroactive, cinq jours de RTT entre le 16 mars et le 16 avril. Après cette date, et jusqu'à la reprise de leur service dans des conditions normales, cinq autres jours de RTT seront imposés aux agents en ASA, soit dix jours en tout. L'autorisation spéciale d'absence est accordée aux agents dans l'impossibilité de télétravailler ou de faire garder leur enfant de moins de 16 ans. Pour les agents qui ne disposent pas d'assez de RTT, le décompte se fera «sur les congés annuels, dans la limite de six jours».
Le texte concerne aussi les agents en télétravail à partir de ce vendredi. Le chef de service pourra leur imposer «de prendre cinq jours de RTT ou, à défaut, de congés annuels», précise l'ordonnance. Pour les agents qui ont alterné entre des ASA (ou du télétravail) et une activité normale sur site, le nombre de jours de RTT ou de congés imposés sera établi au prorata en fonction de la situation de chacun. Par ailleurs, les congés pris volontairement seront automatiquement déduits du nombre de jours imposés. Et le chef de service pourra encore réduire ce quota en prenant en compte les arrêts maladie. Notons que ces dispositions peuvent aussi être appliquées à la fonction publique territoriale. L'objectif, «une fois la crise passée», est de permettre «la mobilisation de l'ensemble des agents», selon le rapport de présentation de l'ordonnance.
Pour rappel, dans le privé, sous réserve d'un accord d'entreprise ou de branche, les employeurs peuvent notamment, dans le cadre de l'urgence sanitaire, «imposer la prise de congés payés ou modifier les dates d'un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables». Sans accord d'entreprise ou de branche, l'employeur peut aussi imposer «de prendre ou modifier des journées de réduction du temps de travail, des journées d'une convention de forfait jours, ou des jours déposés sur un compte épargne-temps» dans la limite de dix jours. Que ce soit dans le public ou le privé, un délai d'un jour franc doit être respecté pour prévenir les personnes concernées. E.D.
Les pharmaciens ont-ils l’interdiction de vendre des masques de protection ?
Coup de gueule du pharmacien Bruno Fellous et de la médecin Martine Perez, lundi sur CNews. En France, «on n'a pas le droit de vendre des masques», dénoncent les deux professionnels. Ils estiment pourtant que les pharmaciens pourraient s'approvisionner grâce à leurs propres réseaux et que leurs clients leur réclament ces outils de protection obligatoires dans d'autres pays.
En effet, «afin de préserver les ressources en masques de protection dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, le Premier ministre a réquisitionné par décret du 3 mars l'ensemble des stocks et productions de masques sur le territoire national», rappelle le ministère de la Santé sur son site.
En pratique, les pharmacies sont approvisionnées en masques chirurgicaux et FFP2 issus du stock d’Etat. Mais ces masques sont délivrés uniquement - et gratuitement - aux professionnels de santé, qui peuvent en disposer d’un certain nombre correspondant à leur profession. Un médecin en obtient ainsi 18 par semaine, contre 6 pour une sage-femme ou un kinésithérapeute. Les pharmaciens sont tenus de remplir un document permettant de suivre la traçabilité des masques délivrés, dans lequel ils notent les informations personnelles des professionnels qu’ils ont approvisionnés.
En ce qui concerne les clients lambda, l'Ordre national des pharmaciens précise que les patients ne peuvent pas obtenir de masque même s'ils bénéficient d'une ordonnance. «La direction générale de la santé a donné des consignes claires de ne pas honorer les prescriptions médicales de masques qui sont réservés aux professionnels. A ce jour, si un médecin juge nécessaire que le patient porte un masque, il doit lui en donner un issu de son propre stock», est-il rappelé dans un questions-réponses publié sur le site de l'organisme.
Lundi, dans un courrier adressé au ministre de la Santé, Olivier Véran, l'Ordre national des pharmaciens a alerté sur le fait que cette restriction génère «une incompréhension majeure, et souvent de l'agressivité, ce qui nécessite de la part des pharmaciens beaucoup de patience, d'explications et de temps».
Dans un communiqué daté du 6 avril, les pharmaciens ont ainsi exprimé le souhait de pouvoir vendre des masques alternatifs, en tissu et à usage non sanitaire à la population. Ne figurant pas dans la liste des marchandises autorisées en pharmacie, «ces masques ne peuvent pas être vendus en officine à l'heure actuelle», regrette l'Ordre national des pharmaciens.
Malgré la réquisition de l'ensemble des masques par le gouvernement, des cas d'officines ayant continué de vendre ces protections ont été évoqués par la presse. A Lyon et à Annecy, des pharmaciens risquent six mois d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende pour avoir violé le décret gouvernemental. J.P.
Le gouvernement a-t-il «généralisé la 5G» pendant le confinement ?
Le gouvernement aurait profité du confinement pour généraliser en douce la 5G, a-t-on pu lire à plusieurs reprises la semaine dernière. En cause, une ordonnance prise dans le cadre de la crise sanitaire et publiée le 26 mars au Journal officiel. Celle-ci assouplit fortement les procédures qui permettent aux opérateurs téléphoniques d'installer ou de modifier des installations comme les antennes relais pour leur permettre de faire face à l'augmentation du trafic lié au confinement. Pendant cette période, les fournisseurs d'accès à Internet ne sont par exemple plus obligés de transmettre un dossier d'information au maire de la ville où est installée une antenne pour la modifier, ou de solliciter l'Agence nationale des fréquences (ANFR) pour en implanter une.
Mais cela n'a rien à voir avec la 5G. «Les normes régissant les puissances d'émission continuent de s'appliquer, et l'implantation doit être régularisée au bout de trois mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire», explique l'avocat Alexandre Archambault, spécialiste des questions liées aux télécoms. L'ordonnance ne concerne ainsi «que la 2G, la 3G et la 4G, déjà déployées».
Le directeur de l'ANFR, Gilles Brégant, détaille : «Certains opérateurs ont besoin de plus de capacités à certains endroits. Par exemple, les antennes qui sont vers le quartier de La Défense sont probablement sous-utilisées en ce moment. Alors que des antennes près de quartiers résidentiels le sont plus en raison du confinement.» Les opérateurs peuvent donc choisir d'utiliser une des six bandes de fréquence qu'ils n'utilisaient pas jusque-là sur des antennes déjà installées dans ces zones. En temps normal, ces ajustements prennent cinq semaines. «Pour un confinement de quelques semaines, ce délai n'avait pas beaucoup de sens. Donc on effectue toujours nos contrôles, mais a posteriori», poursuit Gilles Brégant.
La crise sanitaire pourrait plutôt retarder le développement de la 5G : l'attribution des nouvelles fréquences, qui devaient avoir lieu fin avril, a en effet été repoussée en raison de l'épidémie. V.C.
Risque-t-on une amende en faisant ses courses à deux ?
Ce sera au «contrôle sur le terrain et au discernement des forces de l'ordre» de juger si votre sortie à deux est légitime ou non, élude le ministère de l'Intérieur. La règle sur les déplacements à deux (tant que ceux-ci sont limités entre personnes confinées, et que l'on ne rencontre pas d'autres personnes au dehors) est plus que floue.
Aux premiers jours du confinement, le ministère de l'Intérieur, en réponse à une question de CheckNews, avait insisté sur la responsabilisation de chacun. Et avait conclu que l'on avait le droit de sortir faire ses courses à deux, tant que l'on restait avec son coconfiné.
Après plusieurs messages de lecteurs nous informant de leur verbalisation en faisant leurs achats de première nécessité en couple, CheckNews a recontacté la place Beauvau. Celle-ci a quelque peu durci sa position, par rapport à ce qui avait été indiqué initialement. «Les déplacements individuels sont à privilégier. Dans tous les cas, ce sera aux contrôles sur le terrain et au discernement des forces de l'ordre» d'estimer si la sortie à deux est légitime ou pas, nous répond-on.
Une réponse qui explique que l'on a pu lire des informations contradictoires sur le sujet. Ouest-France est par exemple très catégorique : «Il n'est pas possible de faire ses courses à deux, nous répond, de manière concise et très claire, le ministère de l'Intérieur», tandis que le Courrier Picard explique que «ce n'est pas interdit stricto sensu, mais c'est vivement déconseillé».
Le mot «interdiction» ne figure d'ailleurs nulle part. Sur le site service-public.fr, on peut même lire «si l'on ne sort pas seul mais accompagné, chacun doit remplir une attestation différente, en indiquant le motif et la date de sortie. Chacun doit disposer également de son titre d'identité», ce qui sous-entend que l'on peut sortir à deux.
Si les sorties en solitaire sont donc «à privilégier», il existe une exception pour laquelle vous ne pouvez (normalement) pas avoir d'amende : un déplacement avec un enfant, si le parent n'a pas de solutions de garde. P.M.
Les enfants asymptomatiques sont-ils un vecteur de l’épidémie ?
L’annonce de la réouverture progressive des écoles le 11 mai a remis sur le tapis le sujet du rôle des enfants dans la propagation de l’épidémie. Le fait est désormais bien établi : les enfants contaminés par le Sars-CoV-2 développent bien moins fréquemment que les adultes les symptômes de la maladie. Le faible taux de diagnostics positifs chez les plus jeunes pourrait, pour cette raison, dissimuler un taux d’infection bien plus important.
En revanche, plusieurs inconnues demeurent. Tout d’abord, on ignore encore si les enfants infectés transmettent la maladie avec autant de facilité que les adultes. Les contaminations de l’enfant vers l’adulte passent actuellement inaperçues dans le cas de contaminations asymptomatiques. Et peu de données existent sur l’infectiosité des sécrétions (postillons, crachats) des enfants sans symptômes. Plus généralement, le potentiel infectieux des individus asymptomatiques, quel que soit leur âge, n’est pas encore suffisamment documenté - notamment du fait de la difficulté à tracer ces cas.
Pour toutes ces raisons, les formulations employées dans la littérature scientifique consacrée à ce sujet relèvent encore du conditionnel (le caractère asymptomatique «accroît la possibilité que les enfants puissent être des facilitateurs de la transmission virale», etc.). Tous les auteurs appellent à poursuivre les investigations «sur le rôle des enfants dans la chaîne de transmission.»
Les chercheurs qui travaillent sur la modélisation de la pandémie sont tout aussi circonspects. «Concernant les enfants, pour l'instant, on ne sait pas tout. Notamment parce que l'on n'a pas encore réalisé de campagne de tests actifs en population générale, ce qui est la démarche la plus efficace pour obtenir des informations, explique Jean-Stéphane Dhersin, chercheur au CNRS et directeur adjoint scientifique de l'Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions. A l'heure actuelle, on ne sait absolument pas si les enfants jouent un rôle important dans la propagation de l'épidémie.»
Dans l’hypothèse où les enfants asymptomatiques seraient aussi contagieux que les adultes, certains font remarquer que leurs interactions sociales reposent sur des contacts physiques plus nombreux et plus prolongés que ceux de leurs aînés - accroissant le risque de contamination. Mais sur ce dossier, les opinions des experts restent divergentes.
Dans un entretien accordé en mars au quotidien suisse le Temps, Arnaud L'Huillier, pédiatre et infectiologue, estimait à l'inverse que les enfants transmettraient moins le Sars-CoV-2 qu'ils ne participent à la propagation du virus de la grippe. Selon lui, le coronavirus en circulation «affecte surtout les voies respiratoires profondes et ne fait pas couler le nez, ce qui chez les enfants est un vecteur de dissémination important des pathogènes». Le pédiatre Robert Cohen a annoncé mardi sur France Inter, le lancement d'une étude en Ile-de-France sur 600 enfants, destinée à évaluer le pourcentage de patients asymptomatiques porteur de virus. F.G.