Natalia (1), 39 ans, d’origine ukrainienne, vit à Marseille avec son mari et son fils de 6 ans. Sans-papiers et délogée de son appartement en arrêté de péril depuis un an, elle vit «provisoirement» dans les quartiers nord de la ville. Par peur d’être arrêtée, elle ne sort que pour récupérer les colis d’aide alimentaire.
«Je n’ai pas peur du virus, mais de la police et de ne plus avoir d’argent. Mon mari et moi n’avons pas de papiers en règle. On travaille au noir, lui sur des chantiers et moi je m’occupe de personnes âgées. Depuis le début du confinement, on ne peut plus travailler. Et on n'a presque plus d’argent. Mon mari ne veut pas sortir de chez nous de peur d’être arrêté. Alors c’est moi qui prends le risque d’aller récupérer les colis alimentaires du Secours populaire. J’ai un peu peur de prendre le bus, mais je n’ai pas le choix, c’est trop cher pour nous de faire les courses dans les supermarchés. Je m’inquiète aussi pour l’obtention de nos papiers car avec tout ça, notre rendez-vous chez l’avocat a été reporté. On ne sait pas encore à quand…
«Ça fait cinq ans que je suis en France. L'année dernière, on a été évacués de notre immeuble insalubre du centre-ville. Toutes nos affaires sont restées là-bas. L'appartement a été squatté entre-temps… Aujourd'hui on vit en logement provisoire dans le 13e arrondissement. Très loin de l'école de mon fils. C'était un vrai bazar pour l'amener et le récupérer, on passait plus de deux heures par jour dans les transports en commun.
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«Le seul point positif de ce confinement, c'est qu'on n'a plus à faire ces trajets-là pour l'instant. Mais maintenant c'est à moi de lui faire l'école à la maison. C'est très difficile. D'habitude, j'aime bien regarder la télévision, ça me permet d'apprendre des mots en français, surtout les chaînes d'information. Mais en ce moment, avec mon fils à la maison, je n'ose plus car je n'ai pas envie qu'il ait peur en entendant tout ce qui se dit sur le coronavirus. Alors je lis beaucoup. Avec les livres que je récupère ou qu'on me donne, je nous fabrique une jolie bibliothèque à mon fils et à moi. Je lui raconte beaucoup d'histoires, mais à chaque fois il me reprend, s'énerve et me dit : "Tu es une grande personne, maman, alors pourquoi tu ne sais pas bien lire ?" Je sais qu'il a raison, mais ça me rend très triste.»
(1) Le prénom a été modifié