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Libération
Interview

Refaire des masques en Bretagne : «un beau projet» si l'Etat en commande

Pour le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, l'usine de masques de Plaintel qui a fermé en 2018 peut renaître de ses cendres. Après le soutien apporté à cette idée par le chef de l'Etat, il fait le point sur la faisabilité du projet.
A l'usine de masques de Plaintel en 2005. (Photo Fred Dufour. AFP)
publié le 23 avril 2020 à 21h02

L'usine de Plaintel, dans les Côtes-d'Armor, était l'une des dernières à produire des masques médicaux en France. Elle a fermé en 2018 après la défection de son actionnaire américain Honeywell. Depuis, syndicats et élus locaux n'ont de cesse de relancer la fabrication en vantant le savoir-faire de ses ouvriers. Jusque-là l'Etat n'y croyait pas, mais la crise sanitaire redonne sens au projet. Le chef de l'Etat, en visite mercredi dans le Finistère, a salué «la solution costarmoricaine» à la pénurie de masques comme une «bonne nouvelle». Le président socialiste de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, qui a succédé à Jean-Yves Le Drian, se félicite de ce soutien de poids, mais reste prudent. Car rien ne pourra se faire sans capitaux et commandes fermes…

Où en est aujourd’hui le projet de production de masques à Plaintel ?
Il y a plusieurs acteurs locaux qui se sont mobilisés pour ce beau projet, à Plaintel ou dans les environs. Il y a un groupe de travail autour de Jean-Jacques Fuan, l’ancien directeur du site, mais aussi d’autres acteurs, notamment coopératifs. La région a donc missionné l’ancien conseiller régional et ancien secrétaire d’Etat Guy Hascoët, dont on connaît les talents pour coordonner le travail de ces différents porteurs de projets. La maire de Saint-Brieuc et présidente de Saint-Brieuc Agglomération, Marie-Claire Diouron, le président du conseil général des Côtes-d’Armor, Alain Cadec, et moi-même sommes également disponibles pour accompagner ce projet. Mais il ne s’agit pas de faire inutilement rêver les gens ou de créer des tensions. Il ne verra le jour que s’il a un véritable sens économique.
Quelles seraient les conditions de sa viabilité ?

Il faut d'abord un lieu, des bâtiments, des machines, ce pour quoi les collectivités peuvent apporter des garanties. Un tel projet suppose toutefois d'avoir également des clients sur le long terme, un an, deux ans, davantage. Si des entreprises de l'agroalimentaire s'engageaient par exemple sur la fourniture ne serait-ce que de 10% de leurs besoins en masques sur cinq ans, ce serait déjà quelque chose. Cela fait d'ailleurs partie de la mission de Guy Hascoët de faire le tour des clients potentiels de masques. La dernière condition reste la commande de l'Etat. Celui-ci est attentif et prêt à suivre ce projet mais, pour s'engager, il souhaite savoir sur quelle quantité, quel prix et à quelle échéance. Entre la Région et l'Etat, le dialogue se poursuit, mais il attend que l'on soit au rendez avec un projet industriel cohérent. Je me félicite d'ailleurs de la reconnaissance de ce projet par le président de la République, lors de son déplacement en Bretagne.

La secrétaire d’Etat a semblé toutefois davantage s’intéresser à d’autres solutions…
Heureusement pour la France qu’il y a d’autres solutions ! Il ne s’agit pas de faire une usine nationale à Plaintel ! Et, si toutes les conditions sont réunies, comme je le souhaite, il nous faudra sans doute encore quatre ou six mois pour être prêts. Je sais que ce projet est empreint d’une forte charge émotionnelle et je ne veux pas donner de faux espoirs. Ceci étant, il est souhaitable que la production de masques ne se limite pas à trois grands industriels français or le projet de Plaintel pourrait être particulièrement pertinent en termes de développement industriel, d’aménagement du territoire et de solidarité nationale.