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Libération
Éditorial

Tactique

publié le 23 avril 2020 à 20h06

L’urgence a parfois bon dos. Dans les conditions baroques imposées par le confinement d’une grande partie de la population, l’éparpillement des salariés en télétravail et les difficultés de communication compliquent singulièrement le fonctionnement des instances sociales des entreprises. Les unes s’efforcent de maintenir le dialogue au plus près et tâchent de travailler en bonne intelligence avec les comités d’entreprise ou les délégués du personnel. Mais d’autres beaucoup moins. Ou pas du tout. Notre enquête montre qu’une partie des dirigeants d’entreprise ont saisi l’occasion du choc sanitaire pour court-circuiter les représentants des salariés, ou bien pour rogner, discrètement ou non, certains avantages acquis ou encore s’affranchir de certaines règles du code du travail. Tactique peu glorieuse et, selon toutes probabilités, contre-productive. L’épreuve du confinement, on le sait déjà, sera suivie par un redoutable ralentissement de l’économie. Les salariés pourront enfin sortir de chez eux : ce sera souvent pour affronter une véritable tempête sociale. Dans ces conditions, l’esprit de solidarité et le sens de l’intérêt collectif qui se sont manifestés à l’occasion de la crise sanitaire sont des atouts et non des handicaps. Mais pour les faire vivre, pour maintenir un minimum de cohésion sociale dans la deuxième crise qui s’annonce, le «dialogue social», selon le mantra agité par tous les responsables publics, est un instrument précieux. Il permet de délimiter les conflits, parfois de les désamorcer, souvent de trouver les compromis nécessaires. Il peut être musclé ou plus accommodant : il est dans tous les cas indispensable. Non pour gommer les contradictions ou jouer d’un consensus artificiel. Mais pour regarder en face, collectivement, l’orage économique et social qui pointe à l’horizon.