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Libération
Ma vie de confiné

«Quelle aventure ce confinement! Des enfants écoutent mes lectures, parfois de très loin»

Chronique «Ma vie de confiné»dossier
Chaque jour, «Libé» donne la parole à des confinés de tout poil pour raconter leur vie à l’intérieur. Chacun envoie une photo «de dedans». Aujourd'hui, Pierre-Eric Leclercq, "Palou" de son nom de papi, qui a lancé sa chaine YouTube de lecture d'histoires.
(DR)
publié le 26 avril 2020 à 10h17

Pierre-Eric Leclercq, 61 ans, est belge, professeur de français à la retraite. Il vit dans un tout petit village de 50 habitants… Et depuis, le confinement, il s’est lancé sur YouTube.

«Mon nom de papi, c’est Palou. Et ma spécialité, ce sont les histoires. Quand mes petits-enfants  - j’en ai deux de 4 ans et un d’un an et demi - viennent à la maison, je leur lis toujours des histoires, bien installés au fond du canapé. Alors, quand le confinement a été annoncé en Belgique, quasi au même moment que vous, j’ai eu cette idée, toute simple pour garder le lien: je me filme en train de lire, avec la perche à selfie par-dessus mon épaule, pour avoir le même angle de vue que quand les enfants sont sur mes genoux. Dans le décor habituel:  le canapé du salon, en face de la cheminée. J’installe même leurs doudous à côté de moi et j'enregistre. En une prise, sans montage.

Les premiers jours, j'envoyais la vidéo par dropbox. Et puis je sais pas comment, ma fille en a parlé à une amie qui était intéressée aussi. Puis à une autre... De fil en aiguille, je me suis retrouvé avec une chaine youtube à mon nom. Quand j'y pense... Avant le confinement, je savais tout juste ce que c'était, moi, YouTube! A présent j'ai 1100 abonnés. Environ 400 personnes visionnent chacune de mes petites vidéos, je commence à avoir des enfants qui me suivent d'un peu partout. En France, mais j'ai aussi un cas en Italie, un à Barcelone. Les plus belles aventures partent du hasard.

Je suis passé dans deux JT des chaines francophones, et dans une émission radio. Du coup, ça commence à se savoir: une maman est venue me déposer devant ma porte une pile de livres immense. Et la bibliothèque publique du village d’à côté aussi me prépare une sélection. Quelle histoire !

Je programme ma vidéo tous les matins à 9 heures tapantes. Comme ça, chacun s’organise et la regarde à l’heure qu’il souhaite. C’est un moment de liberté pour les parents. Beaucoup m’écrivent et me racontent. C’est rigolo. Certains en profitent pour aller faire leur toilette du matin tranquille, d’autres pour avoir un peu de calme au moment de l’apéro. Une maman d’un enfant handicapé m’a même dit que c’était devenu le rituel avant de dormir. Il semble que ma voix calme son fils… Quelle joie. C’est si agréable de savoir que l’on apporte un peu de plaisir, surtout en ce moment.  Quand les parents me préviennent à l’avance, je souhaite des bons anniversaires aux enfants, ils adorent. L’autre jour, un petit a crié: "papa, papa, Palou connaît même mon prénom!"

Je prends ce rôle très à coeur. Je passe du temps à sélectionner les lectures, à répondre aux messages. Cela m'occupe aussi car c’est vrai qu’avec ce confinement, nous avons très peu de contacts avec l’extérieur, ma femme et moi. On parle un peu avec les voisins derrière la haie, mais guère plus. Mais on ne va pas se plaindre. Je suis un hyper privilégié du confinement: nous habitons une ancienne fermette avec un grand jardin. Et puis ces lectures de Palou, quelle aventure! C’est déjà sûr: demain, même déconfiné, je continue!»