Sandra, 36 ans, habite à Barcelone, avec deux moineaux de 1 et 4 ans, et un mari ultra-sportif. En Espagne, le confinement était jusqu’ici très strict: interdiction de sport à l’extérieur et d’enfants dans les rues. Sandra a beau avoir une terrasse, c’est rude.
A retrouver: chaque jour dans Libé, une histoire de confiné
«Dimanche, c’était notre première sortie depuis six semaines. La joie. On comptait les jours avec ma fille: le gouvernement espagnol avait annoncé qu’à compter du 26 avril les enfants auraient le droit de ressortir un peu (une heure par jour dans un périmètre d’un kilomètre). Jusqu’ici, c’était totalement interdit. Un décret royal imposait de garder les enfants à l’intérieur. Seule exception tolérée pour les familles monoparentales, pour faire les courses.
A 10 heures ce dimanche, nous étions dehors. On s’est fait une grande balade. Mon fils, qui va fêter ses un an, était dans sa poussette. On ne l’a pas entendu pendant une heure, il savourait. Quant à sa sœur de 4 ans, elle était limite stressée. C’était bizarre. Elle s’est bouché les oreilles quand un camion est passé sur la route, trouvant le bruit insupportable. Elle s’émerveillait devant des petites fleurs. Il y avait plein de familles comme nous, avec le sourire. On a croisé le voisin avec sa fille. Il hélait sa femme qui les regardait du balcon pour qu’elle prenne une photo. Ca m'a fait rire.
Ces six semaines enfermées, c’était vraiment très dur. J’en parlais avec une maman, elle faisait le même constat: on a vu l’état de nos enfants se dégrader, à faire des trucs qu’ils ne font pas d’habitude. Des crises par exemple, ou ne plus dormir. Mon fils se réveille dix fois dans la nuit, l’enfer. Au début, on arrive à les occuper. Mais on a beau faire de la pâte à sel, de la pâte à modeler, au bout d’un moment, ça ne suffit pas. Ils ont besoin de se dépenser.
Le truc qui nous a permis de tenir, c’est ce matelas de la chambre d’ami qu’on déplace tous les deux jours au pied du canapé. Meubles poussés tout autour pour faire de la place. Les enfants se jettent du canapé sur le matelas, comme si c’était un trampoline. Avec la variante adossée au canapé pour un effet minitoboggan… Des copains ont fait pareil que nous, du coup. Je conseille.
Autour de nous, les gens respectent les règles. Il faut dire que dès le début, le gouvernement a fait passer le message que les enfants étaient dangereux. J’avais le sentiment d’avoir deux petites bombes à la maison. Si encore, nous, les adultes, avions le droit d’aller courir, cela permettrait d’être plus apaisé et plus patient avec les enfants. Le voisin, il passe des heures à monter et descendre d’un tabouret. Il lui arrive de courir dans les escaliers de l’immeuble aussi. Nous, on s’est installé un sac de boxe sur la terrasse, ça aide un peu. Dès que la porte-fenêtre est ouverte, le petit se précipite. Oui, j'ai oublié de dire: lui a appris à marcher pendant ce confinement.»