Il a créé une société de gestion pour investir dans l’économie durable, les énergies renouvelables, le marché des obligations vertes.
«Investir dans la nature, c’est rendre son exploitation plus soutenable, tenir compte de l’impact de l’environnement sur la biodiversité… S’occuper du capital naturel, de la culture durable, du recyclable», énumère Philippe Zaouati, 53 ans, directeur général de Mirova, filiale de Natixis, une société de gestion spécialisée dans l’environnement responsable (1). «Au bout du bout», poursuit le financier, il y a ce besoin de«s’orienter vers des solutions qui protègent la nature».
Philippe Zaouati en est convaincu, le changement climatique entre de plus en plus dans les critères d'investissement, alors qu'avant, les sujets liés à la biodiversité étaient peu regardés par le secteur financier. Et il se tourne spécialement vers la pandémie actuelle. «Ce qui se passe est lié à la façon dont on agit avec la nature, la déforestation, les animaux sauvages qu'on change de leur milieu naturel, l'élevage intensif, le manque de diversification qui s'accompagne d'un risque d'extension des agents pathogènes». La liste n'est pas exhaustive. Une solution : «réinvestir dans la restauration de terres dégradées», entre autres.
Montée en puissance
Il se considère comme un «activiste» de ce sujet, et pense que l'année 2020 sera essentielle avec le Congrès de la nature de Marseille (reporté à janvier 2021) ou la Cop biodiversité en Chine (annulée jusqu'à nouvel ordre), et bien entendu le festival Agir pour le vivant attendu cet été à Arles. Malgré ces reports pour cause de pandémie, ces manifestations sont le signe que quelque chose se joue, que la «biodiversité et son lien avec la finance gagnent en puissance et en force», souligne Philippe Zaouati.
Mais comment cette préoccupation est-elle arrivée jusqu'à lui ? «Cela s'est déclenché avec la crise financière de 2008-2009. Je faisais partie d'une génération de professionnels qui ont amené une rationalité dans le métier, des outils mathématiques… On est allés trop loin dans la complexité, il fallait faire confiance à des hommes et leurs projets.» C'est pour cette raison qu'il a créé Mirova, entreprise dédiée à cette vision, pour tenir compte des impacts environnementaux. Les débuts furent difficiles ; on le prenait pour un militant qui voulait utiliser son métier pour faire avancer ses idées. «J'ai eu la chance d'avoir des dirigeants qui nous ont fait confiance, avec leurs doutes et leurs interrogations, mais qui ont finalement dit: "OK, allez-y."»
Pourtant, longtemps, beaucoup ont considéré que s'intéresser à ces sujets nuisait à la performance financière. «On parlait d'approche philanthropique… Or au contraire, on obtient de meilleures performances que les autres dans la crise actuelle !»
Lucidité
Mais n'est-il pas un peu tard pour agir ? «Si, répond franchement Philippe Zaouati. C'est un peu tard, dans le sens où des centaines de milliers d'espèces ont disparu, qu'on augmente de plus d'un degré et demi la température de la planète, que les inégalités s'accroissent, notamment avec cette pandémie, que tout cela va être douloureux… On ne va pas faire baisser la température ni faire revenir les espèces disparues. Ce sera pire demain, les catastrophes climatiques, les pandémies… Alors, il faut réajuster la manière dont on pense notre économie ; ou alors on court vers une catastrophe plus grande encore.»
Bref, «il y a encore bien du chemin à faire», surtout dans ce secteur financier privilégiant le court terme et la rentabilité immédiate. Et le financier «activiste» de poser une ultime question, capitale. «Est-ce que ceux qui vont s'y mettre le feront avec sincérité, ou bien va-t-on tomber dans le piège du greenwashing ?»