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analyse

Elus : Philippe met la focale sur le local

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Le Premier ministre a évoqué mercredi le déconfinement avec les responsables des principales associations de maires, notamment le coût financier des masques et la responsabilité juridique en cas de plaintes de personnes contaminées.
Renaud Muselier et Didier Raoult à Marseille, le 2 mars. (Photo Valérie Le parc. MaxPPP)
publié le 29 avril 2020 à 20h31

Comme promis la veille devant l'Assemblée nationale, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, entouré de plusieurs ministres, s'est entretenu mercredi matin en visioconférence avec les représentants des neuf principales associations d'élus locaux. Il s'agissait d'engager «le travail de concertation et d'adaptation du plan de déconfinement aux réalités de terrain». L'un des participants, proche du Premier ministre, n'a pas hésité à qualifier cette réunion de «courtoise», et même d'«harmonieuse». «Nettement plus», en tout cas, que le débat parlementaire de la veille au cours duquel les leaders de l'opposition ont durement critiqué «le flou» et «les injonctions contradictoires», le chef des insoumis, Jean-Luc Mélenchon, allant même jusqu'à annoncer qu'avec cette «sortie hasardeuse» du confinement, «la deuxième vague de l'épidémie» serait «inéluctable».

Le président de l'Association des maires de France, François Baroin, comme ceux des régions et des départements, Renaud Muselier et Dominique Bussereau, tous trois anciens ministres de gouvernements de droite, se sont montrés «constructifs», rapporte Matignon. Ils se sont surtout retrouvés sur deux sujets d'inquiétude : qui devra supporter le coût financier des masques et autres mesures de protection devant accompagner le déconfinement ? Sur qui retombera la responsabilité juridique en cas de plaintes de personnes qui s'estimeraient contaminées à cause de négligences des autorités locales ?

«Inquiétude»

S'agissant des masques, Edouard Philippe avait annoncé mardi que l'Etat soutiendrait financièrement les collectivités qui achètent les versions «grand public», en prenant en charge 50 % de leur coût, «dans la limite d'un prix de référence». Comme le maire de Lyon, Gérard Collomb, François Baroin a fait remarquer que de nombreuses communes avaient déjà passé commande et qu'il faudrait donc que cet engagement de l'Etat soit rétroactif. Le Premier ministre leur a donné satisfaction dans l'après-midi, devant les sénateurs : le soutien financier de l'Etat s'appliquera aux commandes passées depuis le 13 avril.

Soucieux de la «complémentarité» entre les initiatives de l'Etat et des communes, Edouard Philippe a insisté pour que celle-ci s'applique à la politique de dépistage. En se limitant aux cas symptomatiques et à tous ceux qui auront été à leur contact rapproché, le gouvernement estime que la capacité de tests - 700 000 par semaine - sera suffisante dans l'après-11 mai. Mais cela suppose que des maires ne prennent pas de leur côté l'initiative de tester plus largement. Ce qu'est tenté de faire par exemple le maire de Nice, Christian Estrosi. Le 15 avril, dans un courrier au ministre de la Santé, Olivier Véran, il disait envisager «un dépistage systématique des Niçois qui désireraient en bénéficier».

Au nom des maires, François Baroin a posé à Edouard Philippe la question de leurs responsabilités pénales qui, selon lui, ne saurait être engagée. Potentiellement visé par de multiples plaintes adressées à la Cour de justice de la République, Edouard Philippe lui a répondu qu'il était «particulièrement conscient» du problème. Mais il a aussi indiqué qu'il n'appartenait certainement pas au gouvernement, dès lors qu'il est lui-même mis en cause, de prendre l'initiative dans ce domaine.

Le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey s'en est chargé : il est l'auteur d'une proposition de loi organisant l'irresponsabilité des maires. «J'ai appelé les 580 maires de mon département, annonce-t-il à Libération. Ils m'ont tous dit leur inquiétude d'être attaqués par des malades qui leur reprocheraient de ne pas avoir fait respecter les gestes barrières.» Interrogée au Sénat par le centriste Jean-Marie Bockel sur «un aménagement des règles de responsabilité», la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a voulu rassurer. Les maires ont «une obligation de moyens» mais pas de «résultats», et leur responsabilité ne peut être recherchée que sur la base d'une «violation délibérée d'un règlement» ou d'une «faute caractérisée».

«Pas encore prêt»

Devant l'Assemblée, Edouard Philippe a insisté mercredi en fin de matinée sur sa volonté de «laisser aux maires» le soin de dire aux responsables de l'Education nationale comment la rentrée peut s'organiser au cas par cas dans les différentes écoles. Dans les départements classés «rouges», ceux où la circulation du virus restera élevée le 11 mai, il s'est dit enclin à entendre ceux qui diront «on n'est pas encore prêts».

De toutes les mesures, la réouverture des écoles est celle divise le plus les Français. Selon un sondage OpinionWay publié mercredi par les Echos, ils sont 49 % à l'approuver et autant à la désapprouver. Les autres mesures sont en revanche plébiscitées, du maintien de la fermeture des cafés et restaurants (62 %) jusqu'à l'encouragement du télétravail ou l'obligation du port du masque dans les transports (90 %). Pour autant, le gouvernement est encore loin d'avoir leur confiance : ils ne sont toujours que 40 % à croire que gouvernement saura «limiter les effets» de l'épidémie.