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LR : Guillaume Larrivé, un «mélancolique» en quête d'union nationale

Ancien candidat à la présidence de LR sur une ligne libérale, sécuritaire et identitaire, le député de l'Yonne multiplie les déclarations bienveillantes envers l'exécutif.
Guillaume Larrivé, en septembre 2019. (JOEL SAGET/Photo Joël Saget. AFP)
publié le 30 avril 2020 à 6h20

«En conscience», il est pour. L'élu de l'Yonne, Guillaume Larrivé, a été mardi l'un des onze députés Les Républicains (LR), sur 102 votants, à approuver le plan de déconfinement présenté par le Premier ministre. «L'opération est complexe et sans solution magique. L'orientation globale […] va dans le bon sens», a justifié l'ex-candidat à la présidence des Républicains, sitôt le chef du gouvernement descendu de tribune. Depuis son lieu de confinement, il lui a ensuite fallu signifier son vote par courriel au groupe LR : celui-ci avait défini l'abstention comme la position par défaut de ses membres.

Le matin même, lors d'une conférence de presse, le président du groupe, Damien Abad, anticipait le choix de son collègue : «Quand on lit ses dernières déclarations, ce ne serait pas une surprise. C'est une position très singulière, isolée au sein du groupe. J'imagine qu'il agit par conviction. Mais forcément, les gens s'interrogent.» Le secrétaire général de LR Aurélien Pradié, auquel le lie une inimitié réciproque, a déjà arrêté son opinion : «A ses premières déclarations, j'ai eu un doute, à la seconde encore un peu, désormais plus du tout : il tente de se vendre pour un maroquin.»

L’enjeu est de savoir si l’épisode en dit plus long sur Larrivé ou sur son parti. L’hypothèse d’un futur gouvernement «d’union nationale», nourrie par certains macronistes, entretient ces temps-ci une psychose de la trahison chez des LR déjà durement ponctionnés en 2017. Combien d’émules de Bruno Le Maire, combien d’imitateurs de Gérald Darmanin pourraient encore quitter leurs rangs ?

«Petits roquets»

Que Larrivé, parmi d'autres, doive en répondre a de quoi étonner. Le quadragénaire avait postulé à la tête de LR à l'automne 2019, sur une ligne libérale, sécuritaire et identitaire. Il avait ouvert sa campagne par un livre intitulé «Le coup d'Etat Macron», réquisitoire contre un chef de l'Etat accusé de «bâtir un système de pouvoir personnel». Un an plus tôt, corapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée sur l'affaire Benalla, il avait quitté celle-ci en dénonçant les entraves à son travail.

Mais ces derniers jours, il a surpris collègues et observateurs en s'interrogeant, dans l'Opinion, sur la possibilité d'un «gouvernement de mission» réunissant «hommes et femmes de bonne volonté». Il a aussi félicité le patron de Bercy, Bruno Le Maire, pour son action contre la crise économique, et tancé les critiques «qui s'improvisent logisticiens, épidémiologistes, voire procureurs» de l'action gouvernementale.

«Ma colonne vertébrale, c'est d'être un serviteur de l'Etat», explique Larrivé, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Intérieur, puis directeur de cabinet adjoint de Brice Hortefeux dans différents ministères. «J'ai été au cœur de l'exécutif, je vois les contraintes et les risques qu'affronte le pouvoir. Et je me demande ce que je ferais si j'étais aux manettes. Je sais que cela agace certains petits roquets, mais c'est une différence que j'ai avec eux. Comme député, je suis libre de ma parole.»

Quant à Emmanuel Macron, «je ne renie rien de mes combats contre lui. Mais candidat à la tête de LR, je voulais transformer le mouvement pour qu'il ne devienne pas un petit parti protestataire anti-Macron. Je reste dans cet état d'esprit. Quand Macron appelle à se réinventer, c'est vrai pour lui comme pour nous. Je plaide pour une réconciliation nationale, qui reste à dessiner».

Mélancolique

Elle est loin, cingle Aurélien Pradié, «l'époque où Julien Aubert et lui s'alliaient contre Christian Jacob, ne le trouvant pas assez dur avec Macron». C'était avant le scrutin interne : Aubert le souverainiste et Larrivé le national-libéral promettaient de s'unir au second tour contre le favori. Ils n'en eurent pas l'occasion, Jacob l'emportant à la première manche et Larrivé se classant troisième et dernier, avec 16,14 % des voix. L'épisode l'a blessé, admet le député : «Je suis lucide, je suis dans la minorité de LR. Mon sujet, ce n'est plus l'avenir de la droite, c'est celui du pays. Le scénario du pire est possible.»

Cette hantise de la «guerre civile», chez un élu parfois démoralisé par la politique, travaillé par le sens du tragique, serait une autre piste. «C'est un mélancolique, estime un député LR. Il trouve que c'est la déliquescence, il essaie d'ouvrir une voie entre opposition et collusion. Mais comme il est loin du bain politique, il ne voit pas l'effet» de ses propos. «C'est vrai que Guillaume s'interroge, témoigne son parrain politique Brice Hortefeux. Il cherche sa place dans notre famille, qui cherche elle-même la sienne, et ne s'y sent pas toujours à l'aise. Ses propos ont été lus comme une disponibilité, alors qu'il est l'inverse d'un mercenaire.»

Si le découragement le gagnait pour de bon, peut-être pourrait-il regagner son corps d'origine, le Conseil d'Etat, dont il deviendrait «l'un des plus grands juristes», prophétise Hortefeux. Tout en souhaitant un autre avenir à son ancien collaborateur : «Il fait partie de ces talents que la politique ne doit pas désespérer.»