Pour Jean-Baptiste, 36 ans, l’année 2020 devait être celle d’un long et gros kif : six mois de congé sabbatique, jusqu’en août, pour sillonner l’Australie. Mais les incendies qui ont dévasté une partie de l’île en décembre-janvier ont obligé cet employé d’une collectivité locale à revoir ses plans, in extremis, une première fois. Il s’est envolé fin février pour l’Amérique du Sud. Mais un mois après son départ, il devait rentrer en France, à cause du coronavirus. Depuis, il a repris le boulot, à Paris, en télétravail.
«J’étais en train de terminer une randonnée de six jours dans le massif du Fitz Roy, en Patagonie, lorsque j’ai appris que la France se confinait. C’est un Français qui allait dans l’autre sens qui me l’a dit. Je n’avais pas accès à Internet… En arrivant à l’auberge, j’ai discuté avec les gens sur place, j’ai communiqué avec mes parents et j’ai rapidement compris que c’était mort pour le reste du voyage. J’étais en super forme physiquement, j’avais déjà fait une première rando de six jours et d’autres plus courtes, j’avais perdu quatre ou cinq kilos et j’avais organisé toute la suite, tout géré ! Mais je n’avais pas le choix. Le parc national allait fermer, la frontière avec le Chili aussi, je risquais d’être placé en quarantaine…
A retrouver chaque jour dans Libé, une histoire de confiné
«Je n'étais pas trop déçu, car j'avais déjà fait un grand voyage il y a quelques années, en Nouvelle-Zélande et en Asie. Celui-ci, c'était un bonus en quelque sorte. Et puis, j'ai quand même eu un mois de vacances, ce n'est pas rien. J'ai atterri en France le 24 mars et j'ai recommencé à travailler, chez moi, dès le 1er avril. Mon employeur a été sympa, il a effacé mon congé sabbatique. Au début, c'était dur de se mettre au boulot. Ensuite, j'ai eu une phase de gros décalage horaire, je me couchais très tard.
Le tissu urbain est dense, on oublie forcément des trucs
«Depuis dix jours, cela va mieux, j’ai repris un bon rythme, je fais du footing et je me balade dans Paris. Mine de rien, si tu traces un cercle de 1,5 km, tu as une zone très grande à revisiter. Le tissu urbain est dense, on oublie forcément des trucs. Et franchement, Paris sans bagnole, c’est cool ! On vit une sorte de réappropriation de l’espace public. Ce qui est pénible, c’est de travailler à la maison. C’est un problème de riche, mais dans mon appartement de 30 m², je n’ai pas de bureau, j’ai une mauvaise chaise, un ordi pourri… J’ai l’impression de vivre sur mon lieu de travail. J’espère pouvoir retourner au boulot dès le 11 mai, en vélo. Comme ça, je pourrai dire : je vais au travail et quand je reviens, c’est fini.»