La crise du coronavirus a-t-elle réellement fait basculer nos hôpitaux dans une «médecine de guerre» ? Depuis l'allocution d'Emmanuel Macron le 16 mars, la rhétorique guerrière ne cesse de se décliner sur le terrain médical : face à un «ennemi» invisible, les soignants «en première ligne» font tout leur possible pour tenir le front. Le discours a infusé. Les professionnels de santé ont eux-mêmes recouru à la métaphore pour tenter de traduire l'ampleur de l'épidémie et l'intensité de la pression sur les établissements hospitaliers. Au plus fort de la crise, certains ont même usé de l'expression «médecine de guerre» pour alerter sur l'environnement de travail inédit du corps médical. Comme une intrusion de lointains conflits dans un espace national que l'on croyait préservé.
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«Je trouve l'utilisation de ce terme déplacée vis-à-vis de nos collègues qui travaillent sous les obus et voient des corps déchiquetés. Mon hôpital n'a jamais été bombardé, tempère Alexandre Demoule, chef de service de médecine intensive réanimation à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Après, il est vrai que cette situation exceptionnelle nous a conduits à réfléchir à certains concepts