Le temps presse. Les sénateurs doivent se pencher ce lundi sur le projet de loi préparant le déconfinement, annoncé pour le 11 mai, avant de transmettre aux députés ce texte contenant une nouvelle fournée de mesures suscitant des interrogations dans les rangs des oppositions.
L’état d’urgence sanitaire prolongé
En vigueur jusqu'au 23 mai, ce régime d'exception accorde de très larges pouvoirs à l'exécutif. Malgré le ralentissement de la progression de l'épidémie, le gouvernement estime «prématuré» de le lever. Le texte, qui prévoit de proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 24 juillet, modifie aussi ce cadre juridique afin d'ajuster les mesures pour l'après-11 mai. Le Premier ministre pourra, par décret, autoriser les déplacements limités à un rayon de 100 km autour de chez soi (sauf raisons professionnelles ou motifs familiaux impérieux), fixer des conditions à la réouverture de commerces et rendre obligatoire le port du masque dans les transports collectifs. Le texte rallonge au passage «la liste des personnes habilitées à constater les infractions aux règles de l'état d'urgence sanitaire», a expliqué le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. En plus des agents de la police municipale, les agents des transports en commun pourront verbaliser les usagers sans masque à partir de la semaine prochaine.
Quarantaine et isolement
Les articles 2 et 3 du projet de loi précisent et encadrent les procédures d'isolement des personnes testées positives au Covid-19. «Des mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement» pourront être prononcées par le préfet, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS). Elles ne concernent que les personnes entrant en France et «ayant séjourné dans une zone de circulation de l'infection», et sont subordonnées à «la constatation médicale de l'infection de la personne concernée».
Dans une version du texte qui avait circulé la semaine dernière, cette «quatorzaine» était imposée à des personnes infectées qui, «en cas de refus réitéré des prescriptions médicales d'isolement prophylactique, [feraient courir] un risque grave» de contamination. Cette rédaction, qui avait suscité de vifs débats au sein de la majorité, a donc été abandonnée.
Autre «garantie» selon Olivier Véran, le ministre de la Santé, la possibilité de recours devant le juge des libertés et de la détention, qui statuera en trois jours. Sauf consentement de l'intéressé, «la mise en quarantaine ou le placement à l'isolement ne peut se poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours» sans décision du juge.
Des malades «tracés»
L'article 6 devrait braquer les associations de défense des libertés individuelles. Il donne la possibilité au ministre de la Santé de «mettre en œuvre un système d'information aux seules fins de lutter contre […] l'épidémie de Covid-19» avec des données «partagées», médicales ou non. Pour «tracer» les personnes malades ou susceptibles de l'être, le gouvernement prévoit de se doter de deux fichiers. L'un, baptisé «Sidep», recensant des informations en provenance des laboratoires de biologie médicale «lorsqu'un patient aura été testé positif». L'autre, «Contact-Covid», pour donner accès aux «coordonnées des personnes à contacter» par les équipes chargées de retracer les chaînes de contamination. Or le texte permettra la récolte et la transmission de ces données «le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées». «Cela pose clairement la question du respect du secret médical et de la protection des données personnelles», s'alarme la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie. Les «organismes» qui y auront accès seront listés dans un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Olivier Véran a par ailleurs garanti que ces fichiers étaient sans lien avec l'application numérique StopCovid, toujours dans les cartons. «Cette application n'est pas prête techniquement, a expliqué dimanche la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Nous devons laisser le temps du développement.» Le nouveau calendrier de l'exécutif ? «Fin mai ou début juin.»