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Libération
Covid-19

Airbnb met un quart de ses salariés à la porte et loue un «retour à ses racines»

Touchée de plein fouet par la chute du tourisme, la plateforme a annoncé mardi 1 900 suppressions d'emplois sur les 7 500 salariés qu'elle compte. Les premiers départs interviendront dès le lundi aux Etats-Unis.
Dans les bureaux de Airbnb à San Francisco, en août 2016. (Gabrielle Lurie/Photo Gabrielle Lurie. Reuters)
publié le 6 mai 2020 à 17h50

La prétendue «coolitude» en vigueur chez les géants d’Internet – où même les cadres sup peuvent bosser en jean-basket-capuche – n’a pas résisté longtemps à la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, qui s’est transformée en choc économique. La plateforme Airbnb a annoncé mardi qu’elle allait tailler dans ses effectifs en se séparant d’un quart de ses salariés.

L'entreprise ne va pas bien. Son modèle économique fondé sur les locations d'appartements à destination des touristes – notamment dans les grandes villes et capitales du monde – est frappé de plein fouet par les mesures de confinement décidées par de nombreux pays, la fermeture des frontières, et la quasi-mise à l'arrêt du transport aérien. «Près de 1 900 collègues [sur les 7 500 employés dans le monde] devront quitter Airbnb», a annoncé son cofondateur, Brian Chesky. «Pour une entreprise comme la nôtre dont la mission est centrée sur l'appartenance, c'est incroyablement difficile à affronter», écrit-il dans une lettre adressée à tous les salariés de la société mardi soir, signée d'un simple «Brian». «Les voyages mondiaux se sont immobilisés. Les activités d'Airbnb ont été durement touchées, avec un chiffre d'affaires cette année qui devrait être inférieur à la moitié de ce que nous avons gagné en 2019», précise-t-il.

Pour faire face à la crise, la plateforme a levé «2 milliards de dollars» et «réduit considérablement les coûts qui ont touché presque tous les coins d'Airbnb», précise aussi dans sa lettre Brian Chesky. Mais cela ne suffit pas pour rétablir la situation, d'où cette coupe drastique dans les effectifs. Aux Etats-Unis, les employés licenciés recevront des indemnités à hauteur de 14 semaines de salaire de base, plus 1 semaine supplémentaire par année d'ancienneté. Les premiers départs interviendront dès le lundi.

Brossat : «L'espoir que ces meublés touristiques reviennent à l’habitation ordinaire»

A Paris, 80 personnes travaillent à l'antenne française de la plateforme et on ignore dans quelle proportion cet effectif sera concerné par les réductions d'emploi annoncées. De même pour les 23 autres antennes à travers le monde. En ce qui concerne l'Hexagone, la plateforme refuse de communiquer sur la chute de son activité. «On a beaucoup de questions sur le sujet. Mais Airbnb ne communique pas sur l'état des réservations», nous a précisé le service de presse.

Dans les milieux de l'immobilier, d'aucuns estiment que l'activité de la plateforme est probablement proche de zéro dans une ville confinée où l'on ne peut sortir à sa guise, et où tous les monuments, musées, cafés-restaurants, théâtres et cinémas sont fermés. «La vraie question qui se pose maintenant pour nous, c'est de savoir ce que vont devenir les 30 000 logements transformés en meublés touristiques loués à Paris, jusqu'ici, à l'année sur les plateformes, et notamment Airbnb», souligne Ian Brossat, adjoint (PCF) à la maire de Paris chargé du logement. Notre espoir c'est que ces logements reviennent à l'habitation ordinaire.» L'élu indique que l'une des pistes sur laquelle travaille la mairie, c'est «le rachat d'une partie de ces logements par la société foncière annoncée pendant la campagne électorale par Anne Hidalgo, pour les louer à des tarifs intermédiaires à des gens qui vivent et travaillent à Paris».

Retour aux valeurs initiales

Jusqu'à la crise sanitaire, la capitale française était l'une des places fortes d'Airbnb, au point qu'un terrible bras de fer opposait la ville à la plateforme, à qui elle reprochait un détournement des logements vers les touristes et au détriment des Parisiens. Mais ça, c'était le monde d'avant le Covid-19. La crise sanitaire rebat les cartes. «Nous ne savons pas exactement quand les voyages reprendront», écrit Brian Chesky dans sa lettre aux salariés. Et en tout état de cause, «les voyages dans ce nouveau monde seront différents […] Les gens voudront des options plus proches de chez eux, plus sûres et plus abordables».

Le cofondateur de la société américaine annonce ainsi une réorientation stratégique et un retour aux valeurs initiales d'Airbnb, fondées sur l'économie collaborative. Selon lui, cette crise pousserait «à revenir à nos racines, revenir à l'essentiel, revenir à ce qui est vraiment spécial à propos d'Airbnb – les gens ordinaires qui hébergent dans leurs maisons et offrent des expériences». Une manière de reconnaître la dérive affairiste d'Airbnb devenue une simple plateforme de réservation avec des appartements loués à des prix ahurissants : jusqu'à 1 500 euros la location d'un deux-pièces pour une semaine dans le Marais.