Sous le style cool de la prestation, les dossiers chauds du moment ont été passés en revue par Emmanuel Macron, avec quelques annonces fortes et pas mal de flou à l’adresse d’une communauté culturelle à cran et aux abois.
A lire aussiCulture : Macron, président des «chiche»
Audiovisuel : les plateformes à l’aide
Le flou n'est pas levé quant à la date de réouverture des cinémas, évacuée au profit d'un discours axé vers le redémarrage des lieux de création (théâtres, salles de concerts) dès lors qu'ils n'impliquent pas la présence du public. Ce défi-là est renvoyé à une évaluation «dans un second temps». Pour la reprise des tournages, seules «quelques exceptions» sont envisagées avant fin mai, après quoi la possibilité d'une reprise en juin ou juillet ne sera étudiée qu'au «cas par cas». Un fonds d'urgence temporaire indemnisera en revanche les productions à l'arrêt. L'Etat «mettra au pot» avec l'aide des régions, et enjoint à le suivre collectivités territoriales, Sofica (Société pour le financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel), banques, assurances, dont le refus de couvrir les surcoûts de la crise cristallisait jusqu'ici les craintes. Surtout, la promesse d'un assujettissement des plateformes - données grandes gagnantes du confinement au regard d'un bond de fréquentation exceptionnel - au financement de la création française et européenne dès le 1er janvier 2021 exauce une doléance cruciale du secteur, muée en serpent de mer depuis l'ajournement de la réforme de l'audiovisuel l'hiver dernier. Le projet de loi censé ramener les géants du streaming américain dans le giron de l'exception culturelle française prévoit de taxer leur chiffre d'affaires entre 16% et 25%. La cinéaste Catherine Corsini, signataire de la tribune de la Société des réalisateurs de films (SRF) qui exigeait dans une lettre au Président publiée mardi soir par Libération des «mesures exceptionnelles» de soutien à la création, se dit «à première vue rassurée de ces annonces d'un point de vue structurel - moins pour le volet social sur lequel subsistent des zones d'ombre, comme la prise en compte des travailleurs précaires et de contrat court. Le diable se niche dans les détails». Pour accompagner ces mesures, le Centre national du cinéma et de l'image animée sera à la manœuvre. Son homologue musical, le CNM, tout juste lancé, étant «très fragilisé par la période», devrait lui être redoté à hauteur de 50 millions d'euros.
Intermittents : le régime prolongé
Ceux qui ont le statut d'intermittent restent dans le régime et toucheront leurs indemnités, même s'ils n'ont pas fait leurs 507 heures réglementaires. David, intermittent nantais qui a lancé une des pétitions en ce sens (300 000 signataires toutes initiatives confondues), est «rassuré» : «C'est un vrai souffle, cela nous fait du bien dans cette période difficile, d'urgence financière», dit le musicien qui en était à 120 heures, autant dire loin du compte, quand il a fallu confiner la culture et tout arrêter en mars. En revanche, quid de ceux qui n'ont pas pu ouvrir leurs droits avant qu'on boucle ? Pas un mot. Ceux-là restent à la porte alors que le régime de l'intermittence se caractérise par un important turn-over de bénéficiaires, au gré des années, des saisons, des parcours individuels, trajectoires artistiques. L'année blanche gèle tout : pas de sorties certes, mais pas d'entrées non plus… Sans festivals, où les intermittents pourraient-ils bien faire ces heures ? Dans les écoles, pardi. Ce que la réforme des rythmes scolaires n'a pas réussi, avec ses activités artistiques sur le temps périscolaire, la crise sanitaire le fera. Franck Riester a annoncé qu'il coprésiderait ce jeudi le haut conseil à l'éducation artistique et culturelle avec Jean-Michel Blanquer. Ils travaillent «jusqu'à la fin mai» à la création d'une plateforme de «mise en contact des artistes et de l'Education nationale».
Auteurs : les charges en moins
Macron s'est aussi adressé aux artistes auteurs. Les créateurs, peintres, sculpteurs, performeurs, illustrateurs, photographes, commissaires d'expositions, etc. vivent sans filet de sécurité, hors de tout système assurantiel comme le régime de l'intermittence. Sans activité et sans revenu de remplacement, ils demandaient d'être entendus, réclamaient l'accès à un fonds de solidarité. A la suite de l'intervention présidentielle, Franck Riester a annoncé qu'ils seraient «exonérés de cotisations pendant quatre mois» et éligibles au «fonds de solidarité pour TPE et indépendants». Emmanuel Macron a annoncé un «grand programme de commande publique», manière de «redonner confiance» aux auteurs. Mais là encore, zéro chiffrage !
Commande publique : le levier
Dans la boîte à outils des aides aux artistes, la commande publique est un levier classique pour soutenir la scène. Sans entrer dans des détails ni administratifs ni financiers, le président Macron a annoncé le lancement d'un «grand programme de commande publique» visant notamment les «créateurs de moins de 30 ans», ceux qui «sortent du conservatoire», des écoles d'art. Pendant le confinement par exemple, le Centre national des arts plastiques (Cnap) a lancé en partenariat avec le Jeu de Paume la commande «Image 3.0» auprès de photographes et artistes visuels. A partir du 31 mai, entre 12 et 15 photographes seront sélectionnés et dotés d'un financement de 10 000 euros pour produire une œuvre avec des techniques innovantes (scanner, réalité virtuelle…). Un projet prévu avant la crise… Si le Cnap, opérateur de l'Etat pour la commande publique, a obtenu un budget d'1,2 million supplémentaire fin mars (moitié pour le fonds d'urgence et moitié pour des acquisitions auprès de galeries) et poursuit son action classique (commande publique nationale d'œuvres temporaires dans l'espace public, commande publique nationale d'estampes dans le cadre de l'année de la BD), il faudra attendre pour de plus amples précisions sur ce vaste plan de perfusion et de renouvellement de la création invoqué par le chef de l'Etat.