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Libération
Déconfinement

A Marseille, la mairie joue la méthode Coué

Jean-Claude Gaudin, qui a dû renoncer à sa retraite pour cause de municipales reportées, assure que «tout est prêt», écoles comprises. De quoi réveiller ses opposants.
Jean-Claude Gaudin, le 15 mars. (GERARD JULIEN/Photo Gérard Julien. AFP)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 7 mai 2020 à 11h47

Depuis fin mars, c'est un petit rituel. Un «message du maire aux Marseillaises et aux Marseillais», posté presque chaque semaine sur les réseaux. L'édile filmé dans son fauteuil de l'hôtel de ville, lisant les dernières mesures prises par ses équipes pour le confinement. Avec, toujours, un merci aux soignants, un rappel des règles et, toujours aussi, un big-up soigné à «l'éminent professeur Raoult», le très populaire directeur de l'IHU marseillais. Une sorte de «pointage vidéo» pour Jean-Claude Gaudin qui, à 80 ans, a dû renoncer à sa retraite pour cause de municipales reportées. Confiné dans sa maison de Saint-Zacharie, dans le Var, le maire «s'active sur tous les fronts», martèle son entourage.

S'il s'accorde, «quand il peut», une parenthèse télé quotidienne avec N'oubliez pas les paroles, comme il l'a confié à France 3, «il passe ses journées à harceler les services depuis qu'il a décidé d'utiliser à tout-va son téléphone portable», assure Yves Moraine, le chef de la majorité LR au conseil municipal et fidèle du maire encore en poste. «Hier encore, il était en ligne avec le préfet et le recteur, à qui il a même donné le menu de la cantine pour le 11 mai – des pois chiches en entrée… Pour quelqu'un qui avait pratiquement arrêté, il tient son rang et est à la bataille.» Et tant pis pour les associations qui lui reprochent une réaction trop tardive et trop «petit bras», notamment sur l'aide aux populations les plus fragiles. «Au contraire, soutient l'élu, il a anticipé sur les masques, et la ville sera en mesure d'en proposer un million et demi aux Marseillais.»

«Je demande à voir !»

Ce lundi, actualité du déconfinement oblige, c'est autour de la reprise des écoles que Jean-Claude Gaudin a centré sa vidéo hebdo. «Tout est prêt, tout a été préparé» : désinfection des locaux et des cours de récré des 470 écoles, nettoyage quotidien dès la reprise, savons et gel hydroalcoolique partout. Les agents municipaux bénéficieront de «tout le matériel de protection» et seront «systématiquement dépistés». Les Marseillais ont été particulièrement gâtés sur ce point, rappelle encore Jean-Claude Gaudin, deux fois testé négatif : «Dans l'exceptionnel sillage de l'IHU du Pr Raoult, des dizaines de laboratoires ont fait de Marseille […] la ville la plus testée de France.» En clair : à Marseille, la situation est sous contrôle.

«Vraiment ?» a rétorqué ce mardi le Collectif des écoles marseillaises. Dans un communiqué, le groupement de parents et d'enseignants a déjà tiré la sonnette d'alarme, dénonçant une reprise «prématurée et mal préparée», d'autant plus incertaine que l'état de délabrement de nombreuses écoles de la ville n'arrange rien. «Tout va bien ? Je demande à voir !» s'étrangle sur le même mode Benoît Payan. Ce mardi, le chef de file du PS au conseil municipal a rompu l'union sacrée qui régnait sur le front politique depuis le début de la crise sanitaire : l'élu, qui participait à la «task force» mise en place par le maire le 9 avril, a annoncé qu'il démissionnait de cette instance, dénonçant «l'obstination de la majorité municipale à rouvrir» les écoles dès lundi. «Quand on connaît l'état déplorable de nombre d'écoles marseillaises… On n'est pas prêts, donc il ne faut pas prendre le risque. La mairie prend une décision unilatérale. En vérité, la politique a repris ses droits», s'énerve cette tête de file du Printemps marseillais (union des gauches), arrivée en tête dans son secteur au premier tour des municipales.

Relancer la campagne

Politique politicienne toi-même, lui renvoie Yves Moraine, chef de groupe LR : «Pour son déconfinement politique, monsieur Payan n'a pas attendu le 11 mai. Je comprends qu'il dise "Attention, ça va être compliqué", cela correspond à mes inquiétudes. Mais démissionner, c'est une blague ?» Benoît Payan n'est pourtant pas le seul à monter au créneau. Le sujet a aussi réveillé d'autres candidats aux municipales, comme la sénatrice (ex-PS) Samia Ghali ou le sénateur RN Stéphane Ravier, tout aussi circonspects. De quoi relancer la campagne, alors que la question des municipales, envisagées en juin ou à la rentrée, n'est pas encore arrêtée.

«Bien sûr qu'il y a des difficultés, mais on fait tout pour être prêts depuis un mois», insiste Yves Moraine, plus nuancé que le «tout est prêt» de la com officielle. Si le matériel est là, masques compris, assure-t-il, le nombre d'agents qui reprendront du service reste une inconnue. Seul indicateur, livre-t-il, 600 d'entre eux, sur les 3 200 affectés aux écoles, sont allés se faire dépister cette semaine. «Si la question c'est "est-ce que tout va être parfait le 11", la réponse est non, comme ailleurs en France, évacue l'élu. Mais on y travaille. La prérentrée, ce sera le test de vérité.»