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«Le Baptême de Clovis», acte de naissance du roman national

Au fil des tempsdossier
Dans son dernier ouvrage, l’historien Bruno Dumézil décortique la façon dont se fabrique l’histoire, et comment se construit le mythe du roman national, en partant du baptême de Clovis.
Le bapteme de Clovis à Reims le 25 décembre 496. Peinture de François Louis Dejuinne (1786-1844), 1837. (Photo Josse. Leemage)
publié le 7 mai 2020 à 18h51

Le roman national s’élabore généralement à partir de trois choses: un grand homme, une date symbolique et un lieu symbolique. Ensuite vient le temps des chroniqueurs qui seront chargés d’en écrire la geste pour qu’elle passe à la postérité et figure dans les manuels scolaires.

Le baptême de Clovis, le 25 décembre 496, constitue un point de départ savamment entretenu de l’identité nationale. Par cette cérémonie, le roi des Francs allait donner son nom à une nation en même temps qu’il en faisait un pays de tradition chrétienne. La France serait désormais la «fille aînée de l’Eglise».

Un souvenir de livre d’école bien vivace puisque, en 1996, à l’occasion du quinzième centenaire de ce baptême, le gouvernement prévit de nombreuses cérémonies. Le Pape a même voulu honorer cette célébration par une visite pastorale, relançant les polémiques entre les défenseurs de la République laïque et ceux qui ne veulent rien retrancher du fil des siècles. Plus récemment encore, Philippe de Villiers a ajouté un spectacle au Puy du Fou consacré à Clovis. Comme si ce roi restait la pierre fondamentale de ce que devait être la France dans une absolue continuité. Chacun cherchant à récupérer cette journée.

Illusion de mémoire

Dans son livre le Baptême de Clovis, publié dans la collection «Les journées qui ont fait la France», l'historien Bruno Dumézil ne s'attarde pas à nous détailler par le menu comment se serait déroulée cette journée du 25 décembre 496 mais décortique la façon dont se fabrique l'histoire, et comment se construit le mythe du roman national. Lui-même s'interroge d'ailleurs sur la date précise. Sur la couverture du livre, la date du 24 décembre 505 (autre date possible) est assortie d'un point d'interrogation. «Le baptême de Clovis constitue un événement essentiel de l'histoire, une illusion de la mémoire ou une falsification des origines. Rien n'est sans doute aussi assuré», résume-t-il. Toutes les époques, en effet, n'ont pas donné la même importance à cet événement en fonction des intérêts des uns et des autres et des passions du moment. Ce «baptême des origines», sous le travail de Bruno Dumézil interroge surtout sur les origines des moments dits historiques.

Le Baptême de Clovis,

par Bruno Dumézil. Collection. «Les journées qui ont fait la France». Gallimard. 22 euros.