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Libération
11 mai

Tests, écoles, travail, transports… les précisions de l’exécutif

Lors de sa conférence de presse, jeudi, Edouard Philippe et ses ministres ont détaillé les modalités de la première phase du déconfinement.
Présentation du plan de déconfinement par Edouard Philippe, jeudi. (Photo Boby)
publié le 7 mai 2020 à 20h51

En «vert» ou en «rouge» sur la carte du coronavirus, la France est sortie jeudi «divisée en deux» de l'allocution télévisée d'Edouard Philippe. S'adressant aux millions de Français confinés depuis le 17 mars, qui étaient devant leur écran avec des interrogations très concrètes (liberté de mouvement, port du masque, fonctionnement des transports, ouverture des commerces, éventuel retour au bureau ou à l'usine), le Premier ministre a d'abord annoncé «la bonne nouvelle» : la levée progressive du déconfinement lundi. Puis a lâché la «moins bonne», prévisible, d'un déconfinement à deux vitesses en fonction de la géographie de l'épidémie : il y a ceux vivant dans les deux tiers ouest et sud du pays, qui verront la vie un peu plus en vert ; et ceux habitant les 32 départements les plus touchés par le Covid-19 - situés dans le Grand-Est, la Bourgogne - Franche-Comté, les Hauts-de-France et l'Ile-de-France - qui resteront sous pavillon rouge avec des restrictions maintenues, à savoir la fermeture des parcs et jardins et celle des collèges et lycées. Entouré des ministres en première ligne sur le front de la crise (Santé, Intérieur, Transports, Economie, Travail, Education), Edouard Philippe a livré un véritable vade-mecum de la «phase nouvelle» qui s'ouvrira lundi. Ce ne sera pas «un retour à la vie normale», a-t-il prévenu en appelant les Français à «la discipline et la responsabilité». «L'objectif, c'est de faire en sorte que nous puissions vivre avec ce virus, et que l'on apprenne à s'en protéger», a conclu le chef du gouvernement, en laissant entrevoir une sortie lente mais «réversible» du déconfinement à partir du 2 juin.

Front sanitaire : des tests et, surtout, de «la responsabilité»

Edouard Philippe l'a martelé : face au virus, «aussi longtemps que nous n'aurons ni vaccin, ni traitement, ni immunité collective, la seule façon de vivre est de nous en protéger». Pour éviter une seconde vague épidémique, le gouvernement mise sur la responsabilité individuelle - distanciation sociale, gestes barrières, confinement volontaire des personnes vulnérables - autant que sur le système test-isolement. Objectif : stopper les chaînes de transmission grâce au repérage précoce des malades par les médecins et la recherche des cas contacts par une équipe spécifique de l'assurance maladie, afin de mettre en place les mises en quarantaine nécessaires.

Ce dispositif est-il prêt ? Le 28 avril, l'exécutif affirmait son objectif de disposer chaque semaine de 700 000 tests. Curieusement, jeudi, aucun chiffre n'a été divulgué. Mais la carte représentant les capacités locales a été dévoilée : tous les départements sont au vert. «La France est prête pour tester massivement. La capacité de dépistage est dès aujourd'hui au niveau des besoins estimés» a voulu rassurer Olivier Véran, le ministre de la Santé. Aucune précision n'a été apportée sur le profil des personnes, ces «3 000, 4 000, 5 000, s'il le faut» qui viendront soutenir le travail d'enquête de l'assurance maladie. Ni sur le nombre d'agents qui renforceront les obscures «cellules territoriales d'appui» vouée à venir en aide aux individus isolés.

Ecole : «reprise» plutôt que vraie rentrée

Invité à détailler les conditions dans lesquelles l'école va reprendre à partir de lundi, Jean-Michel Blanquer n'a pas annoncé de surprise. Les écoles primaires rouvriront bien leurs portes le 11 mai, suivies le 18 mai par les collèges des départements verts. «Un impératif pédagogique et social» destiné à lutter contre le décrochage scolaire selon le ministre de l'Education, car «tous les enfants ne bénéficient pas de la même manière de l'école à distance». Mais rien ne sera ordinaire dans cette rentrée, qu'il préfère qualifier de «reprise». Tous les niveaux ne reprendront pas en même temps et les classes rassembleront 10 élèves maximum en maternelle, 15 en élémentaire. Directeurs et directrices d'école sont placés dans une situation délicate : ils devront décider quels élèves accueillir. «Les enfants handicapés, ceux des personnels soignants ou les enfants identifiés comme décrocheurs, qui représentent environ 4 % des effectifs», devraient être prioritaires.

Face à la fronde des maires qui refusent d'ouvrir leurs classes dès lundi, Blanquer a estimé qu'«entre 80 % et 85 %» des 50 500 écoles françaises devraient être en mesure d'accueillir environ 1 million d'élèves. Dans une circulaire envoyée aux préfets, Edouard Philippe a laissé de son côté le champ libre aux maires, en enjoignant aux préfets de «ne pas envisager l'ouverture d'une école en cas d'opposition» de leur part. A l'inverse, une école qui ouvrirait sans respecter les conditions du protocole sanitaire pourrait être fermée par la préfecture.

Transports : des masques et une fréquentation très encadrée

Présenté par la ministre de tutelle Elisabeth Borne, le plan de circulation des transports publics doit «permettre à ceux qui le doivent de se déplacer jusqu'à la fin mai». L'offre de transports en commun en milieu urbain va fortement augmenter à partir de lundi mais en «maîtrisant la demande», autrement dit en limitant leur fréquentation. Un service de 50 % au minimum sera assuré partout, avant un retour à la normale prévu pour début juin. Dans le cas de l'Ile-de-France, 75 % des transports en commun seront assurés, mais avec l'objectif de limiter leur fréquentation à 15 % de la normale, contre 6 % durant le confinement. L'accès aux gares et stations de métros pourra être interrompu en cas de trop forte affluence.

Autre durcissement envisagé si nécessaire, ces transports publics pourront être réservés aux heures de pointe aux personnes munies d'une attestation de l'employeur ou pour un «motif impérieux» avec la mise en place d'un filtrage.

Le trafic grandes lignes des TGV et Intercités restera pour sa part limité à 20 % de la normale, contre 7 % pendant le confinement. Objectif : retour à 40 % du trafic à la fin mai. Dans les trains, un siège sur deux devront rester vides. Enfin, le port du masque devient obligatoire dans tous les transports en commun, passible d’une amende de 135 euros en cas de non-respect de la règle.

Economie : réouverture de 400 000 commerces

Avec un recul attendu de 8 % de la croissance en 2020 et déjà plus de 450 000 emplois perdus au premier trimestre, Bruno Le Maire fait du redémarrage de l'économie le premier enjeu de déconfinement. Alors qu'un tiers de l'activité est à l'arrêt, avec plus de la moitié des 19,3 millions de salariés au chômage partiel, son levier le plus visible sera la réouverture des commerces - à l'exception des cafés, restaurants et autres lieux de convivialité. Le ministre de l'Economie a promis la reprise de 400 000 entreprises représentant 875 000 emplois, dont 33 000 commerces d'habillement, 15 000 fleuristes ou encore 3 300 librairies. La réouverture des centres commerciaux de plus de 40 000 m2 reste soumise à l'accord des préfets, sauf en Ile-de-France où ils resteront fermés jusqu'à juin. L'objectif est d'arriver à une reprise «quasi-complète» dans la plupart des secteurs.

Le fonds de solidarité pour les entreprises en difficulté et le chômage partiel restera en vigueur au moins jusqu'à début juin. Et les cotisations sociales des secteurs contraints à la fermeture administrative seront «annulées» pour mars, avril et mai. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a rappelé que le télétravail «restait la règle» partout où c'est possible. Soixante guides détaillant les consignes sanitaires métier par métier vont être diffusés, à l'image de celui des salons de coiffure qui rouvrent leurs portes lundi.

Vacances : une si longue attente

Il faudra encore attendre pour organiser le grand départ. Edouard Philippe n'a donné aucune indication aux Français et acteurs du tourisme quant à la manière dont se passeraient juillet et d'août, renvoyant cette question à la prochaine phase du déconfinement, le 2 juin. En attendant, des précisions ont été apportées sur la situation «des plages, des lacs, des centres nautiques», dont certains élus locaux réclament la réouverture. Une réouverture sera possible lundi au cas par cas, sur autorisation préfectorale. Pour l'obtenir, les maires devront faire valider par le préfet «un dispositif et des aménagements suffisants pour garantir la distanciation physique», a expliqué Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur.

Voyager à l'étranger ? Sur ce sujet, pas d'infos nouvelles. La fermeture des frontières reste «la règle», a-t-il rappelé. Jusqu'au 15 juin «au moins». Et la question de la circulation vers et depuis l'espace européen «viendra en temps voulu». Patience, donc.