«Paris ne sera pas tout à fait Paris» le 11 mai. La formule est de Jean-Louis Missika, adjoint de la maire socialiste, Anne Hidalgo. En Ile-de-France, le déconfinement va être plus encadré que sur le reste du territoire. La région, qui a été la plus touchée par l'épidémie de Covid-19, concentre encore un nombre de cas «plus élevé que nous espérions», a expliqué le Premier ministre lors de la présentation de son plan jeudi. Les derniers chiffres officiels font état de près de 10 000 personnes encore hospitalisées.
Cloche. La densité du territoire complique tout, faisant redouter aux autorités une nouvelle hausse des contaminations. Selon Europe 1, c'est ce qui a fait douter l'exécutif jusqu'au dernier moment. Sur le bureau d'Olivier Véran, il y a alors trois scénarios pour la région parisienne. Le plus optimiste prévoit que le Covid-19 reste sous contrôle avec un R0 (le taux de transmission) à 0,5. Dans le plus pessimiste, ce même R0 est à 1,5, ce qui signifie qu'un nouveau pic de transmission du virus débouche sur «la même épidémie», s'alarme un membre du cabinet du ministre cité par la radio. Devant la difficulté de garder sous cloche 12 millions d'habitants et le risque d'«écroulement» économique dans la région la plus riche, il a été décidé de ne pas reporter son déconfinement.
Mais la sortie y sera bien plus encadrée qu'ailleurs. Le gouvernement a décidé de réserver l'accès aux transports en commun en heures de pointe à ceux ayant une attestation de leur employeur ou «un motif impérieux de se déplacer». Les contrôles seront effectués entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 16 heures et 19 heures, a précisé vendredi la présidente de région, Valérie Pécresse. «L'objectif est que la fréquentation reste limitée à 15 %», a fait valoir la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne. Pour respecter les règles de distanciation physique, un siège sur deux sera condamné et un marquage au sol installé. Le port du masque sera obligatoire sous peine d'une amende de 135 euros. La présidente LR de la région, Valérie Pécresse, a précisé que 2 millions de masques seraient distribués dès samedi dans 400 gares franciliennes. A la station Châtelet-les-Halles, centre névralgique des déplacements parisiens, la RATP va installer des caméras pour mesurer l'adoption des masques.
De son côté, la mairie de Paris est en train de faire installer des distributeurs de gel hydroalcoolique dans la ville et s'apprête à distribuer des masques en tissu pour ses 2,1 millions d'habitants. Un sujet de polémique entretenu notamment par les élus Les Républicains parisiens. La maire socialiste est accusée de tergiverser sur les points de distribution : mairies d'arrondissement ou pharmacies ? Ce sera finalement l'un puis l'autre. A partir de la fin de la semaine, des masques à usage unique seront d'abord distribués par les maires de secteur aux plus vulnérables avant que chaque Parisien puisse récupérer en officine son masque après réservation sur le site de la ville. Annoncée début avril par Hidalgo, la livraison a été retardée et ne devrait arriver qu'à partir de lundi. Rachida Dati, qui prend à cœur son rôle de première opposante depuis qu'elle est arrivée deuxième au premier tour des municipales, n'a pas manqué de pointer ces retards. Les alliés écolos de Hidalgo, de leur côté, estiment que ce masque unique est «très insuffisant par rapport aux besoins» et appellent à une «prise en charge et une distribution massive» par le gouvernement.
Bras de fer. A quelques jours du verdict de Matignon sur le déconfinement, beaucoup d'élus parisiens estimaient encore que la ville n'était pas prête pour un retour progressif à la normale dès le 11 mai. Dimanche, avec quelque 400 maires d'Ile-de-France, Anne Hidalgo a signé une lettre ouverte publiée par la Tribune pour demander un report de quinze jours de la réouverture des écoles, qualifiant le calendrier du gouvernement d'«intenable». «Nous n'avons pas rédigé la tribune, c'était une signature de soutien à des maires qui ont fait part de leur désarroi mais nous pouvons ouvrir la semaine prochaine», a relativisé le premier adjoint parisien, Emmanuel Grégoire.
Jeudi, les établissements parisiens devraient finalement accueillir environ dix élèves par classe, en dessous de la jauge de quinze du gouvernement. «Ce n'est pas la maire de Paris qui définit le pourcentage, mais l'Education nationale, a attaqué le ministre Jean-Michel Blanquer. Une préparation de rentrée ne se fait pas par médias interposés, et la communication de la mairie de Paris a été prématurée.»
La majorité municipale a toujours expliqué qu'elle se mettrait en situation d'assurer le déconfinement à la date choisie par le gouvernement, quand bien même cela lui semblait précipité. La position inverse serait difficile à tenir après deux mois de confinement et une situation de crise économique, notamment pour les commerçants parisiens. «La maire de Paris que je suis n'est pas dans une attitude de blocage, mais au contraire de dialogue», a assuré Anne Hidalgo dans un entretien au Parisien. Mais depuis le début de cette crise, comme depuis qu'Emmanuel Macron est à la tête de l'Etat et elle aux manettes de la capitale, exécutif et majorité municipale multiplient les bras de fer. Migrants ou Airbnb avant le coronavirus ; écoles et espaces verts depuis le Covid. Le gouvernement a décidé que seuls les territoires en vert pourraient les rouvrir mais la Ville de Paris espère décrocher une dérogation. «Nous allons plaider auprès du préfet pour une réouverture progressive des parcs et jardins», a expliqué Emmanuel Grégoire. Seuls les voies sur berge, les Champs-de-Mars, les bois de Vincennes et de Boulogne seront accessibles à partir du 11 mai, a indiqué vendredi soir la préfecture de police vendredi soir. Une petite ouverture.
La stratégie de déconfinement présentée cette semaine par l’exécutif parisien repose justement sur une extension des lieux de convivialité et de promenade. L’espace public doit ainsi être réaménagé en faveur des piétons et des mobilités douces pour permettre aux Parisiens de vivre et se déplacer dans l’une des villes les plus denses du monde tout en respectant les règles de distanciation physique. Les terrasses des cafés et restaurants pourraient ainsi être étendues sur la voie publique. Reste à savoir quand ceux-ci pourront lever leur rideau. Le gouvernement table sur le 2 juin, mais pour les départements en vert. L’Ile-de-France pourrait devoir encore patienter.