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Libération

Le port de lunettes est-il conseillé, en complément du masque, pour le grand public ?

publié le 8 mai 2020 à 19h41

Le 27 avril, l'Académie américaine d'ophtalmologie (AAO) a fait passer une note aux professionnels afin de rappeler que «plusieurs rapports suggèrent que le Sars-CoV-2 […] peut potentiellement être transmis par le contact d'aérosols avec la conjonctive», soit la membrane qui recouvre l'intérieur des paupières.

L’AAO rappelle également que le virus se transmet principalement par l’échange de gouttelettes transmises lorsqu’une personne tousse ou éternue, mais également en touchant une surface infectée avant de porter sa main à son visage, son nez, ou ses yeux.

Dès lors, la question se pose de généraliser le port de lunettes de protection en plus des masques barrières afin de limiter la propagation du virus.

Pour l’heure, le gouvernement français s’est uniquement exprimé sur le port du masque à visée collective, en tissu, lavable et réutilisable. Celui-ci sera obligatoire dans les transports en commun ou pour un certain nombre de professionnels, notamment en contact avec la petite enfance. Mais aucune recommandation n’a été formulée pour les lunettes de protection.

Pour Bruno Grandbastien, président de la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H), «la recommandation du port de lunettes de protection vise essentiellement les soignants, de surcroît lors de soins avec une exposition accrue à un risque de projection sur la conjonctive». A cet égard, une note du ministère de la Santé du 18 mars inclut le port de lunettes de protection dans la tenue recommandée pour les professionnels de santé effectuant des prélèvements chez des patients potentiellement atteints. Et plus précisément «les lunettes-masques», plus étanches que les simples lunettes de protection, selon l'Institut national de recherche et de sécurité au travail (INRS).

Et pour le grand public ? Pas utile en pratique, selon Bruno Grandbastien, car «le masque est un des éléments de la prévention, avec le respect de la distanciation sociale, qui couvre bien ce risque de projection vers les yeux». En d'autres termes, le port du masque par chacun, associé au maintien d'une bonne distance de sécurité entre les personnes, est ce qui permet avant tout à la population de ne pas projeter, et donc de ne pas recevoir de gouttelettes dans les yeux. Une position partagée par la virologue Anne Goffard, du CHU de Lille.

Rémi Reuss, de l'Association française de normalisation (Afnor), voit quant à lui une utilité à cette forme de protection pour d'autres professionnels que les hospitaliers : «Les lunettes-écrans sont des compléments aux masques afin d'éviter les projections. Leur usage peut être une bonne idée pour les professions exposées, comme les caissiers. Cela peut faire sens en l'absence d'écran en plexiglas devant la caisse. C'est une couche supplémentaire de protection en cas de contacts répétés avec des gens peu scrupuleux avec les gestes barrières.»

Lui aussi reste cependant réservé sur un usage généralisé de ces lunettes : «Cette décision doit revenir aux pouvoirs publics mais je ne suis pas certain de sa pertinence. On est déjà dans l'attente de masques pour tout le monde, alors des lunettes…»

Même avis du côté de l'Institut national de recherche et de sécurité : «Hors milieu de soins, si tout un groupe porte un masque, la protection des muqueuses oculaires n'est pas utile. Un écran facial peut compléter l'utilisation d'un masque en cas de contact rapproché avec du public et a l'avantage de pouvoir être retiré en minimisant le risque de toucher le visage.»