Elodie, 30 ans, est commerçante sur les marchés en Isère. Elle est également un pilier de la mobilisation des gilets jaunes sur le rond-point de Crolles, près de Grenoble. Depuis la fin novembre 2018, des assemblées générales s’y tenaient chaque mercredi soir… Jusqu’au confinement.
«Même confinés, nous avons continué nos AG via Discord [un logiciel initialement utilisé par les joueurs de jeux vidéo, ndlr]. Ça nous a vraiment fait du bien de garder le contact, on est nombreux à trouver le confinement très compliqué. Le noyau dur est toujours là, à part quelques anciens qui ont eu du mal à installer l'appli. Mais on envoie par texto les comptes rendus à ceux qui n'ont pas de matériel informatique ou pas Internet. On commence toujours les AG en prenant des nouvelles de chacun, des personnes âgées, seules et des quelques personnes du rond-point qui ont chopé le Covid.
Depuis deux semaines, on parle beaucoup du déconfinement. On a lancé un "appel des confinés", signé par les gilets jaunes du département. On va voir comment ça se passe lundi. Pour le retour sur le rond-point, on ne sait pas encore, c’est compliqué de devoir se parler à deux mètres, même si les moments conviviaux nous manquent énormément. Notre combat à long terme, c’est la défense d’un service public digne de ce nom, une meilleure redistribution des richesses, la remise en question de nos modes de vie et de consommation et la souveraineté populaire. La solidarité, la lutte sont toujours là.
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Au niveau personnel et professionnel, c’est aussi compliqué ! Je me suis séparée juste avant le confinement, j’étais en recherche d’appart alors je suis revenue chez mes parents. Au début de l’année, j’ai travaillé deux mois à plein temps, ça m’a fait perdre mon RSA activité. Je n’ai plus d’aide pour le logement mais j’ai droit à l’aide aux indépendants en tant que commerçante foraine. Elle est plafonnée à 1 500 euros. ça ne veut pas dire qu’on touche 1 500 euros ! En mars, j’ai eu 137 euros et en avril 327 euros. Heureusement que mes parents sont là.
Je vends du savon de Marseille mais les marchés m’ont été interdits. J’ai fait quelques livraisons, j’ai créé un site internet, mais toutes mes foires et mes marchés nocturnes d’été ont été annulés jusqu’en septembre. Du savon, ce n’est pas considéré comme un produit de première nécessité sur un marché et pendant ce temps-là, Casino vend tranquille des casseroles et des soutiens-gorge. Les forains sont les oubliés. Si ça ne reprend pas d’ici cet été, comment je vais faire ?»