La découverte la semaine dernière, à quelques jours du déconfinement, de deux foyers de contamination au Covid-19 en Dordogne et dans la Vienne, départements classés en vert, aura eu au moins une vertu aux yeux des autorités sanitaires: rappeler à la population que rien n’est encore gagné. Mais elle aura aussi fait resurgir le débat sur une éventuelle généralisation des tests, dont le gouvernement ne veut pas entendre parler.
La première contamination, qui a touché une réunion familiale d’obsèques à l’Eglise-Neuve-de-Vergt, village de Dordogne, constitue une sorte de leçon en vraie grandeur: peu de gens étaient présents à la messe ce 30 avril, un peu plus au cimetière et nettement plus ensuite dans la maison du défunt. Résultat: 127 personnes testées et douze infectées par le virus, dont deux venues de Suisse et testées à leur retour ainsi qu’une autre arrivée du Portugal et dépistée là-bas.
Sermon
Aucun cas grave, un «tracking» efficace et un utile rappel des dangers des réunions trop nombreuses : Frédéric Périssat, préfet de Dordogne, n'a pas voulu louper cette occasion de sermonner les populations. «C'est vraiment l'illustration de ce que l'on ne souhaite pas vivre dans les trois semaines», a-t-il déclaré à l'AFP, évoquant en vrac «relâchement, réunions familiales, enfants, petits-enfants, grands-parents, voisins-voisines… On se retrouve à une trentaine et, au bout du compte, une seule personne va [en] contaminer un nombre très significatif et derrière, ça va mobiliser beaucoup de monde.»
Le deuxième foyer de contamination donne moins prise à la morigénation des irresponsables. A Chauvigny, dans la Vienne, l'équipe de direction du collège Gérard-Philipe, 800 élèves, organise le lundi 4 mai une réunion de pré-rentrée des sixièmes et cinquièmes. Dix-sept personnes sont présentes, «uniquement des agents de l'Education nationale», assure Bruno Belin, président du conseil départemental de la Vienne, en charge des collèges. Le jeudi suivant, un test PCR est prescrit à la principale adjointe. Positif. Après enquête, dix-neuf des personnes présentes ce jour-là sont testées. Trois autres se révèlent contaminées.
Au final, quatre membres de la direction de l'établissement se retrouvent en quatorzaine. «De ce fait, écrivent le département, la préfecture de la Vienne et l'académie dans un communiqué commun, le collège ne dispose plus, in situ, d'équipe de direction, et voit le nombre d'agents mobilisables de la collectivité territoriale réduit pour assurer le retour des enseignants à compter du 11 mai puis des élèves de sixième et cinquième dès le 18 mai.» La rentrée au collège Gérard-Philipe est repoussée au 27 mai.
Durant ces épisodes, la mairie de Chauvigny n'est associée à rien. «J'ai appris la première contamination jeudi soir et samedi matin, la préfète et moi avons été prévenus des trois autres», dit Gérard Herbert, le maire de la commune. Médecin généraliste, «maire depuis dix-huit ans et réélu au premier tour», l'élu n'est pas en charge des collèges, que la décentralisation a confiés aux départements. Toutefois, avec quatre écoles, une crèche et 550 enfants concernés, le maire est le premier destinataire des inquiétudes des parents.
«Vent de panique»
«Le samedi matin, au marché, c'était vent de panique, tout le monde ne parlait que de ça, de l'inquiétude des parents, des enseignants», raconte-t-il. Devant ce mouvement, le maire-médecin contacte le laboratoire de la commune pour savoir s'il est en capacité de tester tous les personnels municipaux des services scolaires et de l'enfance, ainsi que les instituteurs. «Le labo m'a confirmé qu'ils avaient les capacités mais qu'il leur fallait le feu vert de l'ARS [Agence régionale de santé]. A 13 heures, on a eu leur aval.» S'ensuit un autre échange entre les ressources humaines de la mairie et les autorités sanitaires qui ont validé la liste des employés concernés. Entre 16 heures et 18 h 30 ce samedi, 71 personnes ont été testées.
Aucune n'avait été en contact avec une personne contaminée. Ce test global contrevient à la politique de ciblage que le gouvernement veut mettre en place pour accompagner le déconfinement. Le maire a tordu le bras de l'ARS, qui le reconnaît. «La difficulté de ces situations, c'est que tous les maires autour disent: "Et pourquoi pas nous?", explique-t-on à l'ARS de Nouvelle-Aquitaine. C'est sans fin. Notre travail, c'est de retrouver les cas réels. Le maire allait au-delà.»
L'intéressé le reconnaît: «J'ai passé outre la réglementation.» Il se dit «favorable à la réouverture des écoles» et 50% des parents sont d'accord pour y renvoyer leurs enfants. Mais il est convaincu que dans toutes les communes, «on aurait dû faire le dépistage systématique des personnes au contact d'enfants». En ce début de dimanche après-midi, il affirme: «Si ce soir, j'ai un test positif, je ne rouvre pas les écoles avant septembre.»
Dimanche soir, les 64 personnes testées se sont révélées négatives au Covid-19. Dix autres, qui n’avaient pas pu être contactées samedi, seront testées ce lundi matin.