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Libération
Reportage

A Paris, la vente dans le monde d’après

Masques, gel, visières… Une nouvelle routine s’est installée dans les magasins rouverts lundi.
Dans un centre commercial à Paris, le 11 mai. (Francois Mori/Photo Francois Mori. AP)
publié le 11 mai 2020 à 20h41

La vieille dame, masquée, vient timidement s'enquérir auprès du vendeur : «Les livres, j'ai le droit de les toucher ? J'ai besoin de feuilleter avant d'acheter…» Réponse affirmative de David, le gérant de la librairie Mona Lisait, rue du Faubourg Saint-Antoine : «Bien entendu !» Premier jour post-confinement dans le «faubourg», petit village à la frontière des XIe et XIIe arrondissements de Paris, et premiers ajustements à un nouveau commerce, fait de gel hydroalcoolique, de visières, masques et autres mesures de distanciation physique. La journée est satisfaisante : «Les clients sont contents de nous retrouver et ils repartent avec un panier moyen de 30 ou 40 euros, on sent qu'ils ont envie d'aider les boutiques de proximité», dit le gérant.

Affichettes 

Pour s'équiper, lui et ses 7 salariés, David a dépensé 2 500 euros de matériel. Les 500 masques en tissu qu'il a commandés voilà un mois et demi ne seront pas livrés avant mi-juin, alors en attendant, il en a acheté 50 (à 7 euros pièce) lundi matin dans une pharmacie de Seine-Saint-Denis, où il réside. «Je vais les donner aux employés, qui en porteront un ou deux par jour.» Il patiente aussi pour une colonne distribuant sans contact du gel hydroalcoolique, qu'il placera à l'entrée. «On s'est enfermés pendant deux mois, n'y retournons pas dans trois semaines et soyons raisonnables», martèle-t-il. En cas de forte affluence, il a fixé une jauge maximale de 30 personnes dans son commerce. Il espère que les clients se montreront coopératifs et respecteront le marquage indiquant un sens de circulation.

Patrick, gérant d'un magasin d'ameublement, fignole sa reprise. Notamment ces affichettes «Ne pas toucher les tissus», «Prière de vous laver les mains» et «Masque obligatoire dans la boutique», qu'il va placarder un peu partout. Lui aussi fournit «deux ou trois masques chirurgicaux» par jour à ses cinq employés, ainsi qu'une visière en plastique pour les volontaires.

Hic 

Ce matériel de protection leur sert aussi pour les transports. Marc, un vendeur, se dit heureux de revenir bosser. «Parce que j'adore mon patron !» rigole-t-il, avant de redevenir sérieux : «Ça devenait dur, la vie enfermé en appartement, avec les enfants.» Pour les clients qui ne viendraient pas protégés, le boss a acheté «pour 500 euros de masques en tissu», qu'il va «offrir». Partout dans le faubourg, commerçants indépendants et salariés disent être équipés de manière satisfaisante. Salomon, vendeur dans une boutique de prêt-à-porter féminin, reçoit deux masques chirurgicaux par jour. Alexandre, patron d'un salon de coiffure et barbier, a investi près de 1 000 euros en masques réutilisables (qui seront lavés sur place), gants et liquides de désinfection pour ses troupes. Les trois salariés sont désormais couverts toute la journée. Quant aux clients, le masque leur est recommandé. Seul hic : ceux venus se faire tailler la barbe. Brahim, le fleuriste installé juste en face, doit recevoir tout le nécessaire mardi lors de son déplacement à Rungis : de quoi se préparer au rush de la fête des mères, le 7 juin, un rendez-vous qu'il a noté.