Confinement comme enfermement, isolement et violences conjugales en forte hausse. Déconfinement comme retour au calme ? La secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, redoute à l'inverse un «regain de violences sexuelles et de "rue" dues à la décompensation» après deux mois de huis-clos dans les logements. Et aussi des annonces de séparation ou de divorce jusque-là mises en veille, «qui sont très souvent un déclencheur de passages à l'acte» dans les violences conjugales. En conséquence, l'essentiel de l'arsenal de mesures déployées pendant les deux mois de confinement devrait perdurer.
«Tout ce qui permet de signaler les violences va rester, annonce-t-elle à Libé. Nous allons ainsi maintenir le 114 : ce numéro d'alerte par SMS existait avant mais était destiné aux personnes sourdes et malentendantes. A la demande de nombreuses associations et avec l'aval du ministère de l'Intérieur, nous l'avons ouvert au signalement de violences conjugales. Depuis le 1er avril, 2 000 SMS de victimes ou de témoins de violences conjugales ont alerté les forces de l'ordre. C'est très efficace, notamment pour celles qui ne peuvent pas téléphoner au 3919 ou au 17. Je pense à celles qui ne peuvent pas s'isoler dans un petit appartement pour passer un coup de fil», explique Schiappa.
Les possibilités de signalement via les pharmacies, appelées à la rescousse durant le confinement, sont aussi maintenues, avant de procéder à «une première évaluation d'ici six mois avec le ministère de l'Intérieur, la police, la gendarmerie et l'Ordre des pharmaciens». D'ores et déjà, ces signalements ont donné lieu à des interventions des forces de l'ordre (54 à Nancy, 54 à Essey-lès-Nancy, 35 à Rennes, etc.) ou permis de reloger un homme violent en dehors du domicile.
Autre outil de la panoplie lancé début avril et appelé à perdurer : la ligne d'écoute mise à disposition des auteurs de violences conjugales, mise en place avec la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales : «Depuis avril, il y a eu plus de 200 appels à ce numéro, qui n'est pourtant pas très connu car très récent. Cela signifie qu'à 200 reprises, un monsieur a pris son téléphone en se disant "je sens que j'ai un accès de colère et de violence que je ne vais pas réussir à contrôler et je ne veux pas devenir cet homme qui tape sa femme ou ses enfants, donc je vais appeler et me faire accompagner." Ces hommes ont pu parler à un psychologue et parfois, si cela était nécessaire, un hébergement leur a été proposé. Si l'on peut éviter qu'un homme lève la main sur sa femme, cela me semble essentiel», assure Schiappa.
Elle rappelle que la prise en charge des auteurs de violences était jusque-là un angle mort des politiques publiques. Eloigner les auteurs de violences fait aussi partie du dispositif. «Au total, durant le confinement, nous avons financé 20 000 nuitées. 61 auteurs de violence ont ainsi pu être écartés. On [a] sign [é] un accord mercredi avec le groupe SOS [spécialisé dans l'entrepreneuriat social, ndlr] pour poursuivre ce travail», assure la secrétaire d'Etat.
Enfin, que restera-t-il des permanences dans les centres commerciaux qui visaient notamment à «atteindre» les femmes les plus précaires (qui font les courses) privées de téléphone ? «Plus de 400 personnes y ont été accueillies par des partenaires de l'Etat. Nous allons maintenir ces permanences jusqu'à l'été», avec l'objectif d'en maintenir un maximum à la rentrée.
Enfin, à l'image du dispositif mis en œuvre par le préfet du Nord, la secrétaire d'Etat à l'Egalité compte lancer des «appels d'initiatives». Des membres des forces de l'ordre et de plusieurs services sociaux seraient alors chargés de prendre des nouvelles de femmes déjà confrontées à des violences.