Deux mois après sa mise en place pour compenser la baisse d'activité des nombreuses entreprises concernées par le confinement, le chômage partiel abondé par l'Etat entre dans une nouvelle phase. Le nombre a été glissé discrètement par Muriel Pénicaud ce vendredi matin dans un entretien à BFM TV : alors que 12,4 millions de salariés étaient encore concernés par le dispositif la semaine dernière, ils n'étaient, selon le ministère du Travail, plus que 11,3 millions le 11 mai – date à laquelle certains secteurs comme le commerce ont pu reprendre leurs activités.
De quoi commencer à satisfaire la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui affirmait en début de semaine que «les conditions de la reprise sont là», et donc qu'«il n'y a pas tellement de raison que ce soit l'Etat qui continue à payer l'intégralité des salaires de 12 millions de salariés en France». D'où sa volonté de faire «évoluer de façon progressive» le dispositif à partir de juin, en «baissant un peu» la part remboursée aux entreprises. Dans quelle proportion ? Mystère à ce stade : «Nous fixerons dans quelques jours le montant», a dit Muriel Pénicaud ce vendredi matin sur BFM TV. Elle a assuré en revanche que les entreprises du tourisme, tout comme les cafés et les restaurants ou encore l'aéronautique, pourraient bénéficier du dispositif actuel «jusqu'à la fin de l'année s'il le faut». Pour l'heure, les salariés du privé mis au chômage partiel sont assurés de toucher 84% de leur salaire net (l'intégralité s'ils sont au smic), remboursé intégralement par l'Etat dans la limite de 4,5 smic.
Pour l'heure, du côté patronal comme du côté syndical, des voix s'élèvent pour demander la pérennisation du dispositif. «Il faut [le] maintenir en l'état jusqu'à l'été», a dit au Monde Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, tandis que dans Libération, le secrétaire général de CGT, Philippe Martinez, plaide pour que «ce système […] perdure pour tous ceux qui en ont besoin».
Des salariés contraints de travailler malgré le chômage
En attendant, le ministère du Travail a également décidé de regarder d'un peu plus près les demandes de recours au chômage partiel. Mercredi, il a annoncé avoir transmis aux Direccte, c'est-à-dire aux inspections du travail, un «plan de contrôle» afin de ne pas laisser passer les abus. Comme le relevait Libération dès le début du mois d'avril, un certain nombre d'employeurs ne se sont pas privés de demander à des salariés de continuer à travailler bien qu'ils aient été placés en activité partielle, ce qui constitue une fraude caractérisée.
L'ampleur du phénomène est encore difficile à cerner avec précision, mais un rapport du cabinet Technologia publié jeudi propose une première approche. Selon les résultats d'un questionnaire auquel ont répondu 2 600 élus du personnel et responsables syndicaux, dont 81% dans le privé, «30% des salariés en chômage partiel auraient été appelés par leur manager et 11% par leur dirigeant». Et, toujours selon les réponses de ces élus, «24% des employés en chômage partiel total auraient été amenés à poursuivre leur activité à la demande de l'employeur».
Parmi les autres fraudes auxquelles l'administration compte s'attaquer figurent, selon le ministère du Travail, «des demandes de remboursement intentionnellement majorées par rapport au montant des salaires effectivement payés». Les Direccte sont chargées de distinguer entre ce qui relève de l'erreur et ce qui relève de l'abus délibéré.