Les enfants porteurs de handicap sont, en théorie, prioritaires pour le retour en classe, au même titre que les décrocheurs et les enfants de soignants, selon les instructions du ministre de l'Education. Certains d'entre eux ont parfois vécu le confinement de manière douloureuse. «Le point de souffrance de base pour les enfants qu'on suit, c'est la question du lien social, explique Maud, psychologue dans un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) de la région parisienne qui suit 30 jeunes atteints de troubles du comportement et de la personnalité. La difficulté à se faire des copains en fait partie, et l'école a donc un grand rôle à jouer.» La fin des cours a accentué les situations de solitude. «J'ai le sentiment que les ados ont mieux vécu le confinement que les plus jeunes, sûrement parce qu'ils ont plus accès à la technologie. Mais ce n'est pas rassurant qu'ils se sentent bien quand ils sont cloîtrés chez eux, loin de l'école. Le renfermement sur soi, ils ne connaissent que trop bien.»
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Malgré des situations compliquées, l'école joue un rôle cadre et les cours à distance ont bouleversé les habitudes. «Pour l'un des gamins que je suis, ça a été très compliqué. Il a connu une recrudescence de troubles du sommeil, à n'en plus dormir pendant des nuits entières, explique Maud. Le confinement, ça voulait dire ne jamais être seul, sauf la nuit. Le sommeil devenait le moment de la séparation. Il restait éveillé et empêchait tout le monde de dormir. Dès qu'on lui a parlé de retour à l'école, son sommeil est revenu.» Pour cet enfant, la vie à l'école était pourtant loin d'être facile tous les jours. «Mais ce qui importe n'est pas la réalité de l'école, plutôt ce qu'elle représente : un ailleurs de la famille, d'autres règles auxquelles il faut se plier», explique la psychologue.
Avec le nouveau protocole sanitaire imposé à tous les établissements scolaires depuis le déconfinement, le retour en classe s'avère pourtant compliqué. «Sur 54 pages de protocole sanitaire détaillant des consignes plus inapplicables les unes que les autres, le ministère n'a pensé qu'à consacrer trois lignes aux enfants handicapés», s'étouffe Pauline, enseignante à Strasbourg dans une classe Ulis, qui permet la scolarisation d'enfants en situation de handicap dans des établissements scolaires ordinaires. Elle estime le retour en classe extrêmement important pour ses élèves, mais s'inquiète des nouvelles configurations. «N'importe quelle salle de classe est organisée en îlots ou en grand U pour favoriser les échanges. Là, on sépare tout le monde et on repasse dans du frontal, relève Pauline. Ça va être dur pour eux, qui s'étaient habitués à notre organisation.»
Face à ces conditions, certains parents ont refusé de renvoyer leurs enfants en classe. «Les gamins sont censés rester assis une demi-journée entière, ce qui peut être maltraitant pour certains dont la concentration s'évapore vite, relève Maud. On est dans une situation qui pointe les limites de ce que l'école propose pour ces enfants.»