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Déconfinement

Sur la Côte d'Azur, «plus que des aides, ce que nous voulons c’est des clients»

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Les professionnels du tourisme se préparent à une saison décalée pour tenter de compenser les mois perdus. Mais très vite, la question des contraintes des gestes barrières prend le pas sur le soulagement de l'annonce de la réouverture.
L'accès à la plage est autorisé par la prefecture des Alpes Maritimes dans certaines communes du département. Un promeneur observe les baigneurs depuis la Promenade des Anglais, à Nice, Nice le 16 mai 2020. (Photo Laurent Carré pour Libération)
par Mathilde Frénois, correspondante à Nice
publié le 17 mai 2020 à 15h03

Alain Palamiti attendait «avec impatience» une seule information du plan d'aide au tourisme : la date de reprise. «Pour le reste, je suis resté sur ma faim. Ça manque de concret, juge le patron de la plage privée les Pirates d'Antibes-Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes). On ne connaît toujours pas les contraintes drastiques qui vont accompagner l'ouverture. Chez moi, pour rassurer les clients, il va y avoir du gel, un plexiglas à la caisse, un brumisateur pour désinfecter les toilettes et la cuisine, un décartonnage et nettoyage de toutes les marchandises. Tout ça prend du temps et ça coûte cher : il faut du personnel et du matériel.»

Autre incertitude pour le plagiste : l'espace imposé entre chaque client. Pour le moment, Alain Palamiti envisage de diviser par trois le nombre de matelas et par deux l'espace restauration. «Une entreprise qui perd en capacité 70% de son potentiel perd 70% de son chiffre d'affaires, pointe-t-il. Il faut du bon sens. Vous pensez que je vais ouvrir en perdant de l'argent ?» A l'échelle de sa plage, l'aide de 1 500 euros, «c'est peanuts», estime-t-il. Lui qui a 15 salariés à l'année et 35 au plus fort de la saison salue à l'inverse l'ouverture du chômage partiel jusqu'à la fin de l'année et sa prise en charge à 100%. Mais «le mieux aurait été un deal gagnant-gagnant. Par exemple : si vous embauchez, il n'y a pas de charge sociale, propose-t-il. On attendait des mesures plus fortes.»

«On ne rattrapera jamais rien»

Depuis les annonces d'Edouard Philippe, le représentant des plages et restaurants d'Antibes-Golfe-Juan voit «une spirale positive». Selon Philippe Bensimon, les professionnels du tourisme sont désormais «accompagnés par l'Etat», rassurés par «la souplesse du chômage partiel» et sentent «les prémices d'une reprise» depuis le feu vert pour partir en vacances : «Jusqu'ici, nous n'avions que des annulations, rapporte-t-il. Ce n'est pas devenu extraordinaire mais nous venons de recevoir quelques réservations. Même si on est encore loin du bout du tunnel, ça fait du bien de voir revenir les gens vers nous.»

La Côte d'Azur est la deuxième destination de France après Paris. Dans les Alpes-Maritimes, le tourisme représente 18% du PIB, quand ce taux atteint 8% au niveau national. Ses 650 hôtels, 90 résidences et 5 900 restaurants génèrent 175 000 emplois directs ou indirects. «Le plus important, c'est la date d'ouverture. C'est ce que nous attendions depuis longtemps, confirme Denis Cippolini, président de la fédération de l'hôtellerie Nice-Côte d'Azur. Savoir que l'on va rouvrir le 2 juin, ça permet de se projeter. Jusqu'à présent, on voyait l'économie française se mettre en marche et nous regardions le train passer.» Pour cet hôtelier, l'essentiel est de mettre «toute l'énergie sur la communication française» : «Le plan tourisme, ce sont de bonnes mesures. Mais plus que des aides, ce que nous voulons c'est avoir des clients.»

Retour à Antibes. Au camping des Embruns, Luc Douliot est ouvert d'avril à septembre. Cette fois la saison commencera en juin. «On ne rattrapera jamais rien. Pour cette année, c'est râpé, regrette-t-il. Le mal a été fait : j'ai perdu 60 000 euros de chiffre d'affaires en trois mois.» Le directeur a pu tenir grâce à sa trésorerie et aux aides de l'Etat. «J'ai eu droit à 1 500 euros et je vais contracter un prêt, explose-t-il. Il faut considérer que les circonstances sont graves. Il faut se discipliner et bien accueillir les efforts financiers du gouvernement.»

Le camping des Embruns est une petite structure, avec 50 emplacements. Luc Douliot mise désormais sur le fait qu'il sera plus facile ici qu'ailleurs de faire respecter les distances. «J'ai juste peur qu'ils nous imposent des grosses flèches et des spots, dit-il. Je suis dans un petit coin de campagne au milieu d'Antibes. Je compte sur la responsabilité des gens.» Et sur la venue de ses habitués : 70% sont Français. Eux devraient pouvoir rejoindre les bords de la Méditerranée.