Menu
Libération
Déconfinement

Les cultes accueillent avec prudence la décision du Conseil d'Etat

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Dossiers liés
Si les catholiques se réjouissent plutôt de la position du Conseil d'Etat pour assouplir les restrictions des célébrations religieuses, les autres cultes ne prévoient toujours pas de rassemblements.
Funérailles confinées dans le Nord, le 23 avril. (Pascal Rossignol/Photo Pascal Rossignol. Reuters)
publié le 19 mai 2020 à 13h10

Le gouvernement n’avait sûrement pas besoin de ce nouveau casse-tête. Selon la décision prise lundi par le Conseil d’Etat, l’exécutif a huit jours, soit d’ici le 25 mai, pour revoir son décret qui interdisait la reprise totale des célébrations publiques religieuses. Cette victoire remportée par les mouvements catholiques ultras est embarrassante à la fois pour la hiérarchie catholique et les autres cultes.

Dans son ordonnance, le Conseil d'Etat estime que la prolongation de l'interdiction de célébrer publiquement porte une atteinte «grave et manifestement illégale» à la liberté d'exercice du culte, garantie par la loi de 1905. Il juge également que «l'interdiction générale et absolue présente un caractère disproportionné au regard de l'objectif de préservation de la santé publique».

Victoire des ultras de Civitas

«La Conférence des évêques de France prend acte de l'ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d'Etat», souligne l'épiscopat catholique dans un communiqué diffusé lundi soir. Il attend, dit-il, les décisions du gouvernement. Cette extrême sobriété de la hiérarchie catholique s'explique : la bataille juridique a été menée par les mouvements les plus ultras de la cathosphère, notamment Civitas, proche de l'extrême droite. «Alors que les évêques français demeurent confinés dans leurs évêchés, Civitas se réjouit, aux côtés d'autres associations catholiques qui lui ont emboîté le pas, d'avoir contribué à la libération du culte catholique», déclarait d'ailleurs l'association dans un communiqué lundi soir.

L'affaire suscite un débat, voire la polémique, dans les milieux catholiques. «Il est regrettable que l'action ait été une nouvelle fois abandonnée à une poignée de requérants disons peu représentatifs du catholicisme de ce pays», pointe le directeur de l'hebdomadaire catholique la Vie, Jean-Pierre Denis, qui avait fait lui aussi de ce combat un cheval de bataille.

A peine arrivé à la tête de la Conférence des évêques de France (CEF), l’archevêque de Reims, Eric de Moulins-Beaufort, essuie une tempête politique qui risque de laisser des traces et de provoquer des fractures au sein de l’épiscopat.

Pour une reprise progressive

Pour leur part, les autres cultes avancent avec prudence. Hormis les catholiques, l'ensemble des confessions religieuses avaient fait savoir au gouvernement qu'elles ne souhaitaient de réouverture des cultes avant le 2 juin. «La décision du Conseil d'Etat était prévisible, commente pour Libération Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Est-ce que cela va permettre la réouverture des célébrations ? Oui mais avec des contraintes.»

Dans leur majorité, les responsables musulmans ont opté pour une réouverture progressive de leurs lieux de culte, privilégiant les mesures sanitaires et redoutant de susciter d'éventuels clusters. «Nous ne voulons pas reprendre les activités à l'occasion de grands rassemblements tels que la fête de l'Aïd el-Fitr [qui devrait se tenir le 24 mai pour marquer la fin du mois de jeûne de ramadan, ndlr] ou les grandes prières du vendredi», précise Mohammed Moussaoui.

Le Conseil national des évangéliques en France (Cnef) est lui aussi circonspect, rappelant l'objectif prioritaire de santé publique. «Quelle que soit la date de reprise des rassemblements, le Cnef encourage ses membres à suivre les consignes et recommandations appropriées», indique l'organisation dans un communiqué.

A Mulhouse, un rassemblement évangélique qui s’est tenu fin février à la Porte ouverte chrétienne a été à l’origine de l’explosion de l’épidémie de Covid-19 en Alsace. De fait, les rassemblements religieux (notamment dans les communautés évangéliques qui drainent souvent des assistances nombreuses et des populations diverses) pourraient être à risque.

Une réunion était déjà prévue lundi entre le gouvernement et les différentes confessions religieuses. Pour le moment, elle n'a pas été déprogrammée. «Pour l'ensemble des cultes, l'enjeu est de préparer la reprise progressive», pointe le président du CFCM.