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Déconfinement

Depuis 2016, les micro-plans sociaux facilités

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L’article 67 de la loi Travail, qui permet aux employeurs de TPE et PME de licencier pour baisse d’activité, risque d’être particulièrement utilisé.
Selon l'Insee, en 2018, la France comptait 3,6 millions de «microentreprises». (Claire JACHYMIAK/Photo Claire Jachymiak pour Libération)
publié le 20 mai 2020 à 19h56

La crise du coronavirus était inimaginable lorsque la loi Travail a été adoptée en 2016. Mais quatre ans plus tard, alors que de nombreuses petites entreprises ont vu leur activité stoppée net ou considérablement réduite au cours des deux derniers mois, son article 67 a de quoi inquiéter.

Fidèle à la doxa libérale, il était censé permettre «que les entreprises recrutent davantage en CDI plutôt qu'en contrats précaires», expliquait la ministre du Travail de l'époque, Myriam El Khomri. Comment ? En les aidant à licencier, bien sûr. Les entreprises employant moins de onze personnes bénéficient ainsi d'une nouvelle souplesse qui vient s'ajouter aux déjà très pratiques ruptures conventionnelles : il leur suffit de constater «une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires» sur un seul trimestre par rapport à l'année précédente pour justifier le licenciement économique d'au moins une personne.

Lisant cela, on étale devant soi les données possibles : selon l'Insee, en 2018, la France comptait 3,6 millions de «microentreprises» (moins de dix salariés) employant un total de 2,7 millions de salariés, et une nette majorité de structures (40 %) exerçant dans les domaines «commerce, transports, hébergement et restauration». C'est-à-dire les secteurs les plus touchés par le confinement. «A l'époque, quand on a vu apparaître cet article, on s'est dit "ça va être l'orgie"», se souvient David Métin, avocat au barreau de Versailles spécialisé dans la défense des salariés, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). Et dans les prochains mois, «il est évident que les employeurs vont s'en servir», avance-t-il.

«Dans notre secteur, on n'a pas tendance à jouer là-dessus», veut au contraire rassurer Patrick Liébus, le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). «On est très proches des salariés et c'est dur de dire à quelqu'un : "Je te fous dehors"», assure-t-il, anticipant que le recours à ce cadeau législatif viendra plus probablement des PME (celles de moins de cinquante salariés peuvent licencier après deux trimestres de baisse consécutifs). Mais de son côté, Jean-Matthieu Delacourt, qui préside la Fédération des TPE, dresse déjà un tableau plus sombre : «On a énormément d'employeurs qui vont être obligés de licencier des salariés.» Il cite en exemple les coiffeurs : «On dit qu'ils vont faire un chiffre d'affaires hallucinant avec le déconfinement. Mais quand un coiffeur a cinq ou six salariés, il est obligé de n'en faire travailler que deux ou trois avec la distanciation sociale. Et s'il ne coiffe que dix personnes dans la journée au lieu de vingt habituellement, ça ne sera pas rattrapé.»

Comment sera-t-il possible de contester de tels licenciements devant les prud'hommes ? Pour David Métin, les juges auront encore des marges d'appréciation, qu'il compte bien exploiter. Dans l'exemple du coiffeur, «on se demandera par exemple s'il a bénéficié d'une aide de l'Etat», dit l'avocat, assurant que même si «les employeurs et leurs avocats s'appuient beaucoup sur cet article, le résultat ne sera pas automatique». «On innovera», promet-il.