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Libération
Récit

A Lyon, «tout ce qui était impossible devient possible» avec le Covid

Le clan Collomb, qui a pris une claque le 15 mars à la fois dans la ville-centre et dans la métropole, tente de se verdir face aux écologistes. Et fait des appels du pied aux dissidents LREM.
Gérard Collomb, lors du premier tour à Lyon, le 15 mars. (Photo Bruno Amsellem. Divergence)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 21 mai 2020 à 19h51

Ce sont deux totems de l’écologie selon Gérard Collomb qui n’ont pas survécu à Lyon à la crise du Covid-19. Il y a d’abord eu l’annonce, le 4 mai, du retrait des bacs à fleurs de la rue Edouard-Herriot, obtenu par le président de la métropole, David Kimelfeld, candidat à sa réélection face à l’ex-ministre de l’Intérieur. Honnis des usagers, ces pots installés par le maire à quelques mois des élections sur les voies de bus et vélos de cette artère de la presqu’île avaient gagné le surnom de «gérardinières». Ils disparaîtront d’ici mi-juin pour contribuer au déploiement de dizaines de kilomètres de pistes cyclables dans l’agglomération, en réponse aux nouveaux impératifs sanitaires.

Autre symbole du verdissement du baron rhodanien à s'effondrer cette semaine : l'«anneau des sciences», le projet de périphérique ouest, une «autoroute écologique» dixit Collomb, censée diminuer la pollution automobile intramuros. C'est sa codirectrice de campagne, Fouziya Bouzerda, qui a entériné son abandon dans le Progrès de dimanche : «On n'en a pas les moyens, la crise a changé les choses», a plaidé la présidente du Sytral, la régie locale des transports, ajoutant que «tout ce qui était impossible devient possible».

«Les conditions ne sont pas réunies pour perdre»

Peut-être pas au point de faire oublier l’énorme claque qu’ont essuyée le clan Collomb et La République en marche le 15 mars : au premier tour des municipales, leur candidat, Yann Cucherat, n’est arrivé que troisième (14,92 % des votes), loin derrière Grégory Doucet (Europe Ecologie-les Verts, 28,46 %) et Etienne Blanc (Les Républicains, 17,01 %). Et à la métropole, dont l’exécutif est désigné pour la première fois au suffrage universel, Gérard Collomb est seulement quatrième (16,5 %), derrière l’écologiste Bruno Bernard (22,55 %), le LR François-Noël Buffet (17,65 %) et David Kimelfeld (16,92 %), qui avait un temps espéré le soutien de LREM avant de s’en affranchir.

Les scores de ce double scrutin auguraient d'âpres négociations en vue d'éventuelles alliances, que le confinement a étouffées dans l'œuf. En attendant la décision sur la tenue ou non d'un second tour fin juin, chaque camp jure qu'aucune discussion n'est en cours. Pas même entre la collombie et la droite, avec qui le maire de Lyon n'a pas hésité, par le passé, à nouer des accords fructueux : «Il ne s'est strictement rien passé, ce sont beaucoup de fantasmes, affirme l'entourage d'Etienne Blanc. Gérard Collomb semble totalement enfermé dans sa tour d'ivoire, le premier tour l'a laissé KO.»

Durant le confinement, pour pousser sur le devant de la scène son candidat méconnu à l'hôtel de ville, l'ex-gymnaste Yann Cucherat, adjoint aux sports et aux grands événements, Collomb a eu l'idée de lui confier la distribution des masques. «J'ai l'habitude de gérer les foules, ce n'est pas un acte politique», se défend Cucherat. Précisant, dans une drôle de formule, que «les conditions ne sont pas réunies pour perdre, à condition de rassembler».

L'appel du pied s'adresse à Georges Képénékian. Premier adjoint de Collomb, il l'avait remplacé à la tête de la mairie lors de son passage Place Beauvau, avant de lui rétrocéder son siège après sa démission. Deux ans plus tard, l'ex-subalterne docile, également vice-président métropolitain, est un adversaire à cajoler. C'est à lui que Kimelfeld a confié la stratégie de déconfinement de la métropole. A lui aussi que l'état-major de LREM pourrait finalement accorder sa confiance, en désavouant Yann Cucherat ? «Ça participerait d'une certaine logique, spécule l'entourage de Képénékian. Le principal enseignement de ce premier tour, c'est la faiblesse des listes de Collomb. Quand il y a une certaine usure du pouvoir, il faut savoir passer la main.»

Coups de fil «pour prendre des nouvelles»

Sauf que Képénékian et les autres candidats devancés par les Verts le 15 mars, pour beaucoup élus de collectivités de la région lyonnaise, ont été accaparés par la gestion de la crise et ont peu eu l'occasion de rouvrir leur cartable de campagne. Les écolos, eux, ont eu tout le loisir, «non pas de changer» leur programme mais «de le reprioriser à l'aune du Covid, de prendre de l'avance sur les feuilles de route», explique l'équipe de Grégory Doucet.

En tête du premier tour dans la ville de Lyon, le candidat «ne considère pas du tout l'élection gagnée», mais concède tout de même avoir «bien avancé» sur la constitution d'un éventuel exécutif. Après avoir passé quelques coups de fil «pour prendre des nouvelles des uns et des autres». A la socialiste Sandrine Runel (7 % au premier tour) et à Nathalie Perrin-Gilbert, alliée à la France insoumise, qui a récolté 10 %. La maison Collomb peut trembler.