Coordinateur du mouvement Génération·s, Guillaume Balas est le principal lieutenant de Benoît Hamon, promoteur du revenu universel durant la dernière présidentielle.
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Le sujet du revenu universel revient sur la table. C’est votre moment ?
Il faut comprendre pourquoi. Aujourd’hui, avec le confinement et la crise économique qui se profile, la question des revenus de remplacement est devenue cruciale. On a assis toute notre protection sociale sur la production économique, alors quand celle-ci est à l’arrêt, on est obligé de réfléchir à ce que pourrait être une protection sociale qui ne serait pas assise d’abord sur le salaire ou le salaire différé.
Le financement massif du chômage partiel, voulu par Emmanuel Macron, n’est-il pas une bonne chose ?
Il aurait été absurde de ne pas le faire car ça permet d’empêcher le tissu social de se déchirer. Mais on reste dans du salaire différé, ce n’est pas une logique de revenu universel inconditionnel. On ne fait que compenser à un moment le salaire que vous ne pouvez pas avoir. Or aujourd’hui, les gens se disent : ok, même si on travaille, on détruit l’environnement donc ça menace mes gamins. Ne va-t-il pas falloir partager le temps de travail, repenser la production, la relocaliser, mettre fin au libre-échange ? Et si on produit moins, comment assurer la justice sociale ? Et donc est-ce qu’il n’y a pas un filet minimal qui doit être inconditionnel ?
En 2017, ça n’a pas pris. Hamon a eu raison trop tôt ?
C’était une intuition absolument géniale de Benoît pendant la primaire, mais elle est arrivée trop rapidement dans le débat. Cela a produit un choc en termes d’idées, ça a beaucoup intéressé mais ça paraissait abyssal par rapport à l’état de l’opinion et à l’état de la culture de l’Occident sur le travail et la production. Les choses ont beaucoup changé depuis et des formes de réalisations partielles sont en cours.
Beaucoup de départements dirigés par des socialistes sont mobilisés et le groupe PS a présenté à l’Assemblée une proposition de loi pour l’expérimentation du revenu de base. Vous êtes sur la même ligne désormais ?
Je ne sais pas trop la doctrine du PS là-dessus. Benoît Hamon, candidat désigné par les électeurs de gauche comme candidat PS, n’a pas reçu un appui massif du parti, c’est le moins qu’on puisse dire - y compris sur cette question. Pour nous, la doctrine est claire : il faut y aller le plus rapidement possible. Mais je note en effet que ce sont les élus locaux du PS qui sont très intéressés par la question. Il y a une révolution en train de se faire par le bas, sans trop de bruit, très éloignée des débats idéologiques parisiens.
C’est autour du revenu universel que doit se bâtir le projet de la gauche pour 2022 ?
C’est le combat que nous menons. Comme nous sommes pour le rassemblement des écologistes et des gauches, on mettra ce débat dans le pot commun de la discussion sur le programme. On sait bien que tous n’y sont pas favorables aujourd’hui, mais on espère les convaincre. D’ailleurs, EE-LV défend cette proposition depuis longtemps. Et nous ne sommes pas maximalistes, on peut fonctionner par étapes, avec des réalisations partielles. Je pense aux jeunes (18-25 ans), aux précaires, au RSA automatique, à la revalorisation d’un certain nombre de minima sociaux… Des tonnes de pistes aujourd’hui construisent peu à peu le revenu universel et peuvent si la gauche prend le pouvoir en faire une première étape importante.
Le nouveau groupe formé à l’Assemblée nationale, avec des ex-LREM, se dit en faveur du revenu universel…
Je voudrais être sûr que ce groupe ne propose pas le revenu universel revu par les néolibéraux, qui remplace l’ensemble de la protection sociale par un solde de tout compte. Ce n’est absolument pas notre vision. Moi, je ne m’allie pas avec des gens qui ne rompent pas avec le néolibéralisme. Et même qui n’imaginent pas une transition vers une société post-capitaliste dans certains domaines : sur la valorisation de l’économie sociale et solidaire, sur la démarchandisation d’un certain nombre d’activités humaines, sur la mise au pas du pouvoir actionnarial. Sans cela, le revenu universel est un masque et une manipulation pour en fait affaiblir la protection sociale.