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Municipales : la droite veut le gain, pas la responsabilité

Plus chauds partisans d'un second tour avant l'été, Les Républicains ne veulent pourtant pas partager avec l'exécutif le risque de sa convocation.
Christian Jacob dans la cour de Matignon. Le Premier ministre réunit les responsables des partis politiques, sur l'avis du conseil scientifique portant sur la tenue des élections municipales, pendant l'épidémie de coronavirus, le 20 mai (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 21 mai 2020 à 12h47
(mis à jour le 21 mai 2020 à 16h58)

Le fruit est mûr, il faut le cueillir : bien placée à l'issue du premier tour, la droite trépigne de prendre son gain. L'un de ses derniers actes avant le confinement fut de protester contre le report des élections municipales : «un coup de force», s'était alors outré le président des Républicains, Christian Jacob, en des termes dont il a depuis regretté la virulence. La réclusion à peine levée, le même s'impatientait déjà : «Si on est capables d'ouvrir les écoles, les collèges, les lycées, les commerces, je ne vois pas au nom de quoi le deuxième tour ne pourrait pas se tenir en juin», raisonnait-il le 11 mai.

On ne manque pas de raisons, chez LR, de le souhaiter : «Il faut que les conseils municipaux et intercommunaux soient installés pour relancer la commande publique, souligne la députée Virginie Duby-Muller. Et s'il faut réorganiser deux tours à la rentrée, certains candidats n'en auront pas les moyens, surtout s'ils ont perdu leur emploi ou connu des difficultés pendant l'épidémie.» Au passage, la droite aimerait autant solder un scrutin dont, pour la première fois depuis 2017, elle peut espérer sortir gagnante.

Première force municipale depuis la «vague bleue» de 2014, elle a maintenu le 15 mars l'essentiel de ses positions, avec des réélections au premier tour (Caen, Calais, Toulon, Reims, Chalon-sur-Saône…) ou des ballottages favorables (Nice, Limoges, Saint-Etienne…). Mais à Bordeaux, Marseille et Toulouse, où elle est sortante, ses candidats sont menacés, voire devancés par la gauche ou les écologistes. Dans ces communes, LR peut redouter qu'une longue attente ne favorise les discussions et les ententes entre ses concurrents, comme à Marseille. Un renvoi du scrutin, enfin, pourrait aussi entraîner un report des élections sénatoriales de septembre, autre échéance a priori favorable à la droite.

Mais cette impatience, si mal dissimulée, s’est déjà révélée piégeuse et pourrait l’être à nouveau. En mars, LR avait, devant l’opinion, presque partagé avec l’exécutif la responsabilité de la tenue du premier tour, très critiquée par la suite. Ses responsables, Christian Jacob et le président du Sénat Gérard Larcher en tête, ont souvent dû se défendre d’avoir placé le profit partisan devant l’intérêt public. Echaudée, et tout en réclamant la tenue du scrutin, la droite refuse donc aujourd’hui de partager avec le gouvernement la responsabilité de sa convocation. Elle a particulièrement combattu l’idée d’un vote du Parlement sur la date du 28 juin : ce procédé la conduirait soit à soutenir l’exécutif, soit à se dédire en s’y opposant, soit à une illisible abstention, soit enfin à se diviser entre toutes ces options.

«C'est au gouvernement de prendre la décision, on ne voit pas pourquoi il essaierait de nous mettre dans une nasse, proteste donc Virginie Duby-Muller. En mars, ils n'ont pas eu besoin d'un vote pour annuler le second tour.» Mais en cas de vote, «ne pas y prendre part serait très difficile à expliquer, juge un membre de la direction de LR. Nous ne sommes pas à l'aise avec cette idée. Le combat, pour l'instant, reste donc de pousser l'exécutif à assumer seul sa décision».