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Libération

Agnès Buzyn revient en marche arrière

Si elle a longuement hésité et changé d’avis, l’ex-ministre de la Santé a finalement annoncé mardi qu’elle restait la tête de liste LREM à Paris pour le second tour.
Paris, le 20 février 2020. Restaurant au Gourmet. Agnès Buzyn (2ème plan), candidate LREM aux élections municipales à la mairie de Paris, en campagne électorale dans les 9ème et 18ème arrondissements. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 26 mai 2020 à 20h06

Elle y va. Après des semaines d’hésitation, Agnès Buzyn a mis fin au suspense : elle mènera bien la campagne du second tour à Paris sous la bannière LREM. L’ex-ministre de la Santé l’a annoncé mardi à ses colistiers lors d’une visioconférence, mais jusqu’au bout le doute a persisté, y compris pour son équipe et les responsables du parti.

Arrivée en troisième position avec 17 % des voix, la candidate se serait «effondrée» au soir du premier tour, chamboulée par la violence de la campagne et les regrets d'avoir quitté son ministère mi-février alors qu'elle entendait la crise sanitaire gronder. Buzyn a d'ailleurs avoué être partie «en sachant que les élections n'auraient pas lieu» en raison de l'épidémie de Covid-19, avant de disparaître des radars. Pour faire oublier son absence pendant que la maire sortante, Anne Hidalgo, et sa principale adversaire, Rachida Dati, s'opposaient sur la gestion de crise, son équipe a dû rédiger des communiqués signés de son nom et envoyés aux militants.

Yo-yo

La candidate et les marcheurs savaient que le retour sur le ring serait délicat après ses propos sur le premier tour. «Personne n'ignore les difficultés et les attaques dont elle fera l'objet mais il n'y a pas de bonne solution», admettait une tête de liste LREM lundi. Difficile, à un mois du scrutin, de trouver un troisième candidat après le forfait de Benjamin Griveaux. Le nom de Stanislas Guerini, patron de LREM et candidat sur la liste du XVIIe arrondissement, a circulé, mais ce dernier ne voulait pas en entendre parler, préférant, comme nombre de dirigeants macronistes, se laisser une chance d'entrer au gouvernement en cas de remaniement. Porter le poids de la défaite à Paris n'arrange personne. Difficile aussi de flanquer une étiquette LREM à Cédric Villani alors que le député s'éloigne de plus en plus de la majorité. «On se paierait une crise interne et on se prendrait la tôle électorale du siècle», expliquait un cadre du parti.

Stanislas Guerini mais aussi Paul Midy, directeur de campagne de Buzyn, et Philippe Grangeon, conseiller du Président, sont donc restés «en lien constant avec elle depuis le début pour qu'elle tienne et qu'elle revienne», raconte un membre de l'exécutif. Dimanche, Agnès Buzyn leur a fait savoir qu'elle n'y retournerait pas, avant de se laisser convaincre puis encore de changer d'avis lundi soir. «C'est les montagnes russes. Elle ne tient qu'à un fil et c'est flippant. Il se passe quoi si elle accepte de revenir, qu'on dépose les listes et qu'elle se barre en pleine campagne ?» s'inquiétait le même cadre.

Conscients des difficultés, certains colistiers feront le minimum syndical. «Je ne suis pas assez folle» pour reprendre la campagne, vu l'ambiance et le yo-yo politico-émotionnel de la tête de liste, évacue une candidate LREM. Pierre Auriacombe, conseiller de Paris et candidat LREM dans le XVIe, a pris la même décision : «Repartir en campagne derrière Buzyn après ses déclarations catastrophiques ? Non. Je ne vois pas comment elle va tenir.» La tête de liste redouterait d'ailleurs la tenue du débat télévisé de l'entre-deux-tours qui doit avoir lieu sur BFM TV.

«Amateurisme»

Selon cet élu issu de la droite, au-delà de la polémique, «LREM a montré ses limites : dire qu'on ne veut pas de professionnels de la politique, très bien, mais quand on voit l'amateurisme de ces gens-là…» Il estime probable que les marcheurs ne remportent aucun arrondissement. Pas même les Ve et IXe, où les édiles sortantes de droite se sont représentées avec l'étiquette LREM. «Avec les triangulaires, sans fusion ou accord de retrait avec LR, la gauche peut gagner», admet une tête de liste. La maire du Ve, Florence Berthout, devrait d'ailleurs trouver un accord avec la droite. Buzyn va donc reprendre sa campagne à reculons. «Elle sait que ce sera dur de porter le programme parce qu'on va lui remettre ses déclarations dans la tronche», raconte une tête de liste LREM. Et avec le calendrier parlementaire en tête : le Sénat inaugure en juin sa commission d'enquête sur la crise sanitaire. Son audition en sera l'une des pièces maîtresses.