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Le portrait

Anaïs de Lenclos, à corps et à cran

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Cette escort, porte-parole du syndicat du travail sexuel, dénonce la misère qui gagne une activité affectée par le Covid et aussi par la pénalisation des clients.
(Photo Marie Rouge pour "Libération")
publié le 28 mai 2020 à 17h11

D'abord, elle n'avait qu'un prénom, Anaïs. Ensuite, il lui a fallu un patronyme pour renforcer le pseudo et complaire au site d'escorts sur lequel elle fait de la retape. Elle a choisi de s'apparier à Ninon de Lenclos. Cette personnalité du XVIIe siècle était une courtisane et une intellectuelle, une jouisseuse et une réflexive, une athée et une libertine. Ninon tenait salon et pouvait, à la demande de Molière, relire le texte de son Tartuffe. Sentant sa fin prochaine, comme elle avait du discernement et des facilités financières, c'est le jeune Voltaire qu'elle dota. Elle disait : «Beaucoup plus de génie est nécessaire pour faire l'amour que pour commander aux armées.»

Petite sœur d’un autre siècle, Anaïs exerce la même activité, même si cette dernière a changé de nom. Mieux, cette escort argumente en défense d’un métier menacé par une prohibition qui a eu gain de cause sous Hollande. La loi de 2016 qui pénalise les clients a fait grimper l’insécurité et fondre les revenus. Depuis, la misère gagne le monde des horizontales, la pandémie ayant évidemment aggravé les choses. C’est d’ailleurs en 2016 qu’Anaïs de Lenclos est devenue l’une des porte-parole du Strass, le syndicat du travail sexuel. Elle a aujourd’hui le cran de sortir à visage découvert d’une réserve qu’on peut comprendre tant la visibilité vaut boulet et tant la commisération cauteleuse des abolitionnistes n’est que le paravent larmoyant d’un mépris renouvelé. Celui-ci était auparavant le fait