Jusqu’au bout, le cardinal Philippe Barbarin aura joué de malchance. Confinement oblige, il n’a pas eu droit à sa messe d’adieu programmée, le 16 mai dernier, à la primatiale Saint-Jean à Lyon. Le prélat était lui-même bloqué en Israël pour cause d’arrêt du trafic aérien. Au moment de l’explosion de l’épidémie de coronavirus, il séjournait au monastère bénédictin d’Abou Gosh.
Pour l'heure le diocèse de Lyon, l'un des plus importants de France, attend la nomination de son successeur. Le 6 mars, le pape a accepté la démission de Barbarin, relaxé en appel fin janvier après avoir été condamné à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir signalé à la justice les agissements pédocriminels de l'ex-prêtre Bernard Preynat.
Rôle de premier plan
Au sein du catholicisme français, le poste d’archevêque de Lyon est l’un des plus convoités. Son titulaire, qui porte traditionnellement le titre de primat des Gaules, joue un rôle religieux et politique de premier plan. Généralement, il devient aussi cardinal, ce qui fait de lui, en cas de conclave à Rome, un électeur du pape.
Mises en sommeil pendant la pandémie, les nominations officielles d’évêques ont récemment repris au Vatican. Ce qui laisse présager du mouvement à Lyon dans les prochaines semaines. Vu l’importance du poste, la nomination du successeur de Barbarin sera une décision du pape qui donnera, en le choisissant, des priorités au catholicisme hexagonal.
Pour l'heure, il n'y a pas de réel favori. C'est plutôt un profil qui se dessine. «A Lyon, il faut un homme de consensus après la crise que le diocèse vient de traverser», explique un responsable catholique. Réputé frondeur, le clergé lyonnais (environ 300 prêtres dont la moitié encore en activité) est, lui, très exigeant. «Le futur archevêque doit pouvoir s'affranchir du poids d'une bourgeoisie catholique dans laquelle s'est laissé enfermer Barbarin», relève un expert du catholicisme.
Il faut aussi au futur archevêque de Lyon la capacité de trouver un modus vivendi avec son collègue de Paris, Michel Aupetit, l'autre poids lourd de l'épiscopat, un attelage qui doit fonctionner sans trop de heurts. Au fil des ans, le cardinal Barbarin, volontiers franc-tireur, avait fini par agacer nombre de ses collègues.
Prétendants
Malgré la discrétion affichée, plusieurs noms de prétendants circulent. Parmi eux, il y a celui de Laurent Ulrich, l’archevêque de Lille, un centriste, celui de Pierre d’Ornellas, en fonction à Rennes et grand spécialiste des questions bioéthiques à l’épiscopat, celui encore de Dominique Lebrun, à la tête du diocèse de Rouen et très combatif contre l’IVG, un prélat qui a les faveurs du pape et dont le nom avait circulé pour l’archevêché de Paris, poste dont il ne voulait pas à l’époque.
Parmi les outsiders sérieux, figurent l’archevêque de Reims, Eric de Moulins-Beaufort, à la tête de la Conférence des évêques de France, l’évêque d’Amiens, Olivier Leborgne et l’évêque auxiliaire de Lille, Antoine Hérouard. Ce dernier, au profil très bergoglien, a été missionné par le pape pour remettre de l’ordre à Lourdes, un lieu de pèlerinage auquel François porte un grand intérêt. Proche des jésuites, Hérouard peut aussi bénéficier de l’appui de cet ordre religieux, très influent auprès du pape.
Afin de susciter le débat dans l'Eglise sur le rôle des femmes, la théologienne Anne Soupa a présenté, lundi dernier en forme de provocation, sa candidature à la tête de l'archevêché de Lyon. Un «geste fou», selon ses propres mots, qui n'a aucune chance d'aboutir mais qui a rencontré un grand écho médiatique.
Reconnu pour son autorité et ses compétences intellectuelles, Michel Dubost, évêque à la retraite, assure l’intérim à la tête du diocèse de Lyon depuis juin 2019. Après sa condamnation en première instance, Philippe Barbarin s’était, en effet, mis en retrait. Fin janvier, Dubost a discrètement rencontré le pape et a probablement suggéré quelques pistes pour trouver un successeur au cardinal lyonnais, très discrédité et qui, lui, n’a pas été reçu à Rome.
Si tout va bien sur le front sanitaire, la messe d’adieu de Philippe Barbarin dont le retour d’Israël est annoncé pour les jours à venir, devrait avoir lieu le 28 juin prochain.