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CheckNews Covid-19 : de la létalité aux primes, vos questions, nos réponses

publié le 29 mai 2020 à 19h51

Depuis plus de deux ans, Libération met à disposition de ses lecteurs un site, CheckNews, où les internautes sont invités à poser leurs questions à une équipe de journalistes. Notre promesse : «Vous demandez, nous vérifions.» A ce jour, notre équipe Qui finance la prime exceptionnelle versée aux soignants ? a déjà répondu à près de 5 000 questions.

Qui finance la prime exceptionnelle versée aux soignants ?

C’est dans un décret du 14 mai qu’ont été détaillées les conditions de versement de la prime exceptionnelle aux professionnels de santé dans le public : ceux qui ont travaillé dans les départements les plus touchés par l’épidémie ou dans les hôpitaux ayant accueilli des malades du Covid-19 pourront ainsi bénéficier d’une prime de 1 500 euros. Les personnels des autres services auront droit à 500 euros. Mais concrètement, qui mettra la main à la poche ?

Selon le Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS), «la prime aux professionnels hospitaliers du secteur public est financée par l'Etat et l'assurance maladie. Cette somme sera normalement compensée intégralement». Ce que confirme le cabinet d'Olivier Véran : «Les hôpitaux versent des primes via les fiches de paie. Un crédit de l'assurance maladie est notifié aux ARS, qui ensuite se mettent en contact avec les hôpitaux. In fine, c'est l'assurance maladie qui paye.» De son côté, l'AP-HP a anticipé : «La prime nationale a été versée aux personnels de l'AP-HP avec le salaire de mai. Le montant versé représente 110 millions d'euros. La compensation a été reçue de l'assurance maladie, pour un montant de 107 millions d'euros», indique-t-on. Quant aux 3 millions d'euros restants, l'AP-HP recevra cet été le solde de ce qui aura été versé. Anaïs Condomines

L’appli StopCovid va-t-elle pister nos contacts téléphoniques ?

«Si vous installez l'application StopCovid, je vous demande de me retirer de votre liste de contacts, parce que cette application va rechercher tous les contacts enregistrés afin de «pister»», s'alarme une internaute. Et elle n'est pas la seule. Le programme, qui doit être lancé ce week-end pour permettre de signaler à ses utilisateurs s'ils ont été en contact prolongé avec une personne touchée par le Covid-19, est largement pointé du doigt sur Facebook. L'inquiétude n'est pas née en France : on trouve des messages similaires dès le 6 mai, en Suisse, alertant sur le programme SwissCovid. D'abord partagée sur le réseau social, l'intox a fait son chemin jusqu'à… l'Assemblée nationale. Au perchoir mercredi, lors du débat sur StopCovid, Jean-Luc Mélenchon alerte : «Je bénéficie de ce privilège d'être à la tribune pour dire à tous ceux qui m'ont dans leur annuaire, leur agenda, leurs contacts, de retirer mon nom immédiatement si jamais ils utilisent cette application.»

Ces alertes reposent sur une mauvaise compréhension de StopCovid. Celle-ci ne fonctionne ainsi que sur les téléphones où elle est installée. Pour faire simple, lorsque le programme sur votre téléphone détectera un contact prolongé avec un autre appareil doté de l’application, il enregistrera un identifiant (sorte de pseudonyme temporaire, généré aléatoirement) qui correspond à l’autre appareil, pour garder la trace de ce contact, et pouvoir vous notifier en cas de contamination de l’autre personne (ou notifier l’autre personne si c’est vous qui êtes contaminé). Surtout, la détection du contact prolongé se fait grâce au Bluetooth, qui ne marche qu’à très courte distance. Elle n’utilise donc ni le GPS, ni le répertoire du téléphone et encore moins les contacts sur les réseaux sociaux.

Pour ceux qui veulent s'en assurer, le code informatique de StopCovid a été mis en ligne. En y regardant de plus près, un hacker confirme à Libération que l'application fait bien ce qu'elle prétend faire. Rien de plus. Ce qui est déjà trop pour de nombreuses associations de défense des libertés. La Ligue des droits de l'homme, Amnesty International et la Quadrature du Net mettent par exemple en garde contre l'appli, soulignant notamment le risque d'accoutumance aux techniques de surveillance qu'elle pourrait créer chez les Français. Vincent Coquaz

Les consultations Covid coûtentelles 55 euros ?

Plus complexe, donc plus chère. La consultation ou téléconsultation d’un patient testé positif au Covid pourra bien donner lieu à une majoration de 30 euros, en plus de la consultation classique, facturée 25 euros en secteur 1.

En détail, explique le site de l'assurance maladie, «cette majoration correspond à la valorisation de l'annonce du test positif, la prescription des tests pour les cas contacts proches (personnes résidant au domicile du patient), l'information donnée au patient sur les mesures barrières, l'enregistrement dans l'outil «Contact Covid» du patient et des cas contacts proches (personnes partageant le même domicile que le patient)». En médecine, on appelle cela une «consultation complexe». Il existe même des consultations dites «très complexes».

Ce type de consultations n'a pas été inventé lors cette pandémie. Elles existent depuis de nombreuses années. En 2019, par exemple, de nouveaux types de consultations complexes ont été créés pour les ophtalmologues ou les neurologues. De même que pour les médecins repérant des signes de troubles du spectre de l'autisme chez un enfant de 0 à 6 ans. Dernier point : la consultation Covid-19 pour un patient testé positif est remboursée à 100 % par la sécurité sociale, comme la plupart des consultations complexes. Robin Andraca

La mortalité par habitants est-elle cinq fois plus importante à Paris qu’à Marseille ?

«La mortalité de Paris est plus de cinq fois supérieure à celle de Marseille», déclare Didier Raoult dans une vidéo sur la chaîne YouTube de l'IHU Méditerranée Infection qu'il dirige. Il s'appuie sur les chiffres de Santé publique France (SPF), qui publie quotidiennement le nombre de morts dans les hôpitaux par département. Au 25 mai, SPF enregistrait 778 morts Covid en hôpital par million d'habitants à Paris, contre 255 dans les Bouches-du-Rhône : un rapport de un à trois, et non de un à cinq.

Toutefois, Didier Raoult ne parle pas du département, puisqu'il assure qu'il y a eu «à Paris 758 morts par million d'habitants» (ce qui correspond peu ou prou aux données de SPF) et qu'on se situerait plutôt «à Marseille aux alentours de 140 [morts] par million d'habitants». Problème : personne ne communique de chiffres au niveau des villes. Didier Raoult dit avoir, pour Marseille, «des données croisées entre l'agence régionale de santé et ce qu'on avait des hôpitaux». Mais son équipe ne nous les a pas communiquées.

Surtout, ses chiffres ne collent pas avec ceux du site de l'IHU. Qui aurait, avec l'AP-HM, enregistré 157 décès Covid au 26 mai. Soit 182 décès par million de Marseillais. Et non 140, comme l'affirme Didier Raoult. Un membre de son équipe justifie cette différence : «Tous les décès à l'IHU ne sont pas de Marseille.» L'argument, alors, vaut aussi pour Paris, où «plus de 30 % des décès enregistrés le sont pour des personnes domiciliées hors du département», écrit l'Insee pour les premiers mois de 2020. Voilà ce qu'on peut dire des chiffres - qui ne tiennent notamment pas compte des décès en Ehpad.

Le problème, enfin, de cette comparaison des décès à l'hôpital repose sur le fait que Paris et Marseille n'ont pas été touchées de la même manière par l'épidémie. Il est ainsi logique que l'on meure plus dans une ville plus durement atteinte ; et logique aussi que l'on meure plus dans ses hôpitaux puisque ce sont les cas les plus graves qui y sont hospitalisés. Difficile, donc, de déduire de la seule mortalité hospitalière qu'une commune a mieux géré la crise qu'une autre. Fabien Leboucq

  La létalité est-elle passée de 3,5 % à 0,5 % ?

C’est un chiffre qui ressort depuis quelques jours, laissant supposer une manipulation. La létalité du Covid-19 (taux de mortalité des personnes contaminées) serait passée de 3,5 % mi-mars à 0,5 % fin avril. Des chiffres tirés respectivement d’un discours du directeur de l’OMS le 3 mars et d’une étude de l’Institut Pasteur publiée fin avril.

Sauf que ces deux taux de létalité ne sont pas calculés au même moment, et pas avec la même méthodologie. L’OMS a calculé le rapport entre le nombre de morts du Covid-19 et ceux qui ont été testés positifs. Il s’agit du taux de létalité apparent (Case Facility Rate, ou CFR, en anglais). Il varie dans le temps ou selon les pays, car il dépend des politiques de tests. En effet, à nombre de morts constant, moins on teste, moins on trouve de cas confirmés, et plus le CFR est important. A ce jour, le CFR français est supérieur à 19 %, et au niveau mondial, il est de 6,4 %.

L'Institut Pasteur, lui, prend en compte le nombre de personnes mortes du Covid-19 par rapport à celles dont on estime qu'elles ont eu la maladie. «L'OMS n'a regardé que les cas symptomatiques détectés (CFR), alors que nous prenons en compte les personnes infectées qui ne sont pas détectées car elles ont des symptômes légers ou qu'elles sont asymptomatiques, grâce à des modélisations. C'est l'Infection Fatality Rate (IFR)», explique Simon Cauchemez, un des auteurs de l'étude. Ce chiffre a aussi été revu à la hausse : il est désormais de 0,7 %. Pauline Moullot et Fabien Leboucq